Selon l’opposition, la vague d’arrestations opérée depuis samedi dernier par les forces de l’ordre n’est que l’expression d’un règlement de compte à caractère politique. Pour les partisans du président de la République, Kaïs Saïed, il s’agit d’une campagne de lutte contre la corruption notamment dans la sphère de la Justice. Question d’angle de vue.
A chaque nuit son lot de surprises. Nous venons d’apprendre de sources concordantes les arrestations dans la soirée du lundi 13 février 2023 de l’ancien ministre de la Justice Noureddine Bhiri, 64 ans, déjà détenu pendant plus de deux mois début 2022. De même que de l’avocat et ancien ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec l’ARP, Lazhar Akremi. Ainsi que du DG de la radio privée Mosaïque FM, l’une des plus écoutées en Tunisie, Noureddine Boutar.
Coup de filet matinal
Ces arrestations viennent allonger la liste d’anciens magistrats, activistes politiques et un influent homme d’affaires, interpellés suite à une descente de police ce weekend.
Il s’agit en l’occurrence de : Taieb Rached, ex-Premier président de la Cour de Cassation; Béchir Akrmi, ancien procureur de la République; Abdelhamid Jelassi, ex- dirigeant d’Ennahdha; Khayam Turki militant politique et ancien, dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL-Ettakatol); Moncef Attia, ancien diplomate, remis en liberté dimanche. Sans oublier l’homme d’affaires Kamel Ltaief, un homme de l’ombre très influent dans les milieux politiques et très proche ami de l’ex-président Be Ali dont il était l’éminence grise.
Pour quel motif? Béchir Akremi est poursuivi dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi pour dissimulation de preuves et entrave à la justice. Taïeb Rached est visé par des affaires de corruption. Leur arrestation fait suite à la levée de leur immunité par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Tandis que Khayem Turki, Abdelhamid Jelassi et Kamal Ltaief ont été arrêtés dans le cadre d’une affaire de complot contre la sûreté de l’Etat.
A savoir qu’au moment où nous écrivons ces lignes, aucune source autorisée n’a divulgué ni les circonstances des arrestations effectuées ce week-end et celles opérées hier lundi parmi des politiques, des magistrats, des activistes et des responsables de média, ni la nature exacte des accusations qui sont portées à leur encontre.
Diversion?
Selon l’avocat Ghazi Chaouachi, membre du comité de défense de l’activiste politique Khayam Turki : « Les dossiers se basent sur des rapports sécuritaires qui évoquent des rencontres dans des cafés ou des appels téléphoniques. Tout le monde sait que ce sont des opposants au régime de Kaïs Saïed ». C’est ce qu’il affirmait lundi 13 février 2023, dans l’émission « Midi Show » diffusée sur les ondes de Mosaïque FM. Ajoutant qu’il s’agit « d’un spectacle qui vise à faire diversion et à occuper l’opinion publique. On cherche à terroriser les opposants, mais ils seront bientôt tous libérés, les dossiers étant vides ».
Que penser de cette mystérieuse affaire? En l’absence d’explications officielles de la part des autorités judiciaires ou du ministère de l’Intérieur sur ce coup de filet lancé depuis ce weekend contre des magistrats au sommet de l’appareil judiciaire, des activités politiques et des personnalité de premier plan, et surtout de la nature des accusations gravissimes portées contre certains d’entre eux, place aux rumeurs les plus fantaisistes.
La porte ouverte aux abus
Car, au-delà des considérations relatives au sacro-saint secret d’une enquête judicaire en cours dans une affaire de complot contre la sûreté de l’Etat, un concept très vague et un fourre-tout susceptible d’ouvrir la porte à tous les abus, notamment l’instrumentation du bras de la justice dans les affaires politiques, il faut des preuves matérielles solides et irréfutables pour étayer cette thèse. Il en va de l’indépendance de la Justice.