L’agence de notation tunisienne PBR Rating vient de publier un rapport détaillé apportant des explications et des observations sur la note souveraine de la Tunisie et la dégradation qu’elle a subie.
Dans une perspective générale, agrégeant les méthodologies des agences de notation, la note souveraine se base essentiellement sur la croissance économique, les potentialités de création de valeur sur le territoire national et autres agrégats macroéconomiques d’importance stratégique, la gouvernance et les institutions étatiques, la situation des finances publiques et les capacités de mobilisations des ressources et la résilience face aux risques (politiques, financiers, opérationnels, etc…).
Sur la base d’une notation agrégée à partir des notes des agences internationales de notation, la note moyenne de la Tunisie est passée de BBB, à CCC, sur la dernière décennie (soit 9 translations défavorables sur la grille de notation).
L’évolution de la note tunisienne peut s’expliquer, selon PBR Rating, par plusieurs facteurs, dont les plus prépondérants dans le schéma de notation sont les indicateurs budgétaires, la croissance économique, le commerce extérieur, l’inflation, l’épargne, l’investissement, le déficit des entreprises publiques…
Par ailleurs, la note souveraine de la Tunisie a été également impactée par les perceptions extérieures concernant la situation politique et l’instabilité de la gouvernance durant la dernière décennie.
Impacts de la dégradation
Les impacts de la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie sont perceptibles sur trois principaux aspects à savoir La gestion budgétaire, la sphère financière et a sphère économique.
Au niveau de la gestion budgétaire, l’évolution négative de la notation souveraine entraîne un enchérissement du coût de l’endettement international, jusqu’au tarissement de ses sources, en cas de risque substantiel sur la solvabilité du pays émetteur. Un déséquilibre de collecte des ressources, vers une sollicitation extrême des liquidités et des opérateurs locaux, est susceptible de transmettre les difficultés de financement de l’Etat central, au financement local de l’ensemble de l’économie.
Au plan de la sphère financière, la notation souveraine a un impact direct sur les établissements financiers du pays noté. La dégradation de la notation souveraine impact défavorablement le coût de financement et la qualité des actifs détenus par les établissements financiers locaux. Par ailleurs et en cas de dégradation extrême de la notation souveraine, c’est le principe d’intermédiation et de correspondance avec d’autres établissements financiers dans d’autres pays qui peut être compromis.
S’agissant de la sphère économique, au-delà des effets indirects de la dégradation (suite aux impacts de la notation souveraine sur la gestion budgétaire et sur la sphère financière), le tissu économique supporte une détérioration de sa qualité en tant que partenaire commercial auprès des opérateurs internationaux. En effet, l’évolution du risque pays engendre une défiance sur la solvabilité des entreprises locales, impactant les conditions d’approvisionnement (rareté et cherté de certains produits), les modalités de transaction (délais de paiement), les primes d’assurances internationales, les investissements (notamment étrangers), … ce qui a un impact direct sur la création de valeur nationale ainsi que sur la situation financière des acteurs locaux.
Facteurs de rétablissement de la notation souveraine
La restauration progressive de la notation souveraine tunisienne est conditionnée par le renforcement de la confiance dans la Tunisie, en tant que partenaire économique et financier, à l’échelle locale et internationale. Il s’agit de mettre en place un plan d’action, dont les bases sont de « Rassurer », « Planifier » et « Exécuter ».
Tout d’abord et afin de remédier rapidement aux dernières dégradations de la note, il est important de clarifier et de communiquer sur un plan de financement détaillé de l’exercice budgétaire actuel, mettant en exergue l’absence de risque quant aux décaissements des dépenses du budget 2023 et notamment celles du remboursement de toutes les échéances des dettes extérieures du S2-2023.
La signature définitive et le démarrage de l’exécution de l’accord avec le FMI (1.9 MD $) reste un point central dans le dispositif de financement de l’Etat tunisien, tel qu’annoncé par les autorités financières.
Ensuite, les opérateurs économiques et financiers, locaux et internationaux, sont en attente des orientations tunisiennes pour la gestion du déficit public ainsi que les déficits des entreprises publiques.
Dans ce cadre, il est important de souligner que les mesures de gestion des finances publiques se doivent d’être accompagnées par des réformes structurelles au profit de l’économie tunisienne afin que ces mesures ne se transforment pas en de simples leviers d’austérité inflationnistes.
Toute mesure inflationniste se doit d’être opérée dans un contexte de création de valeur soutenue afin d’en maîtriser les impacts sur la société tunisienne et ses opérateurs économiques.
Par la suite, les réformes structurelles se doivent d’être axées prioritairement sur la valorisation et le renforcement des capacités productives du tissu économique tunisien à travers les leviers de l’exportation (gestion de la balance commerciale) et l’investissement (et notamment étranger).
La dégradation de la notation souveraine tunisienne est le reflet de déséquilibres macroéconomiques internes, de mutations politiques et d’un contexte international très défavorable. Il s’agit de la perception de la Tunisie par ses potentiels partenaires à travers une notation qui a des impacts directs sur la situation des finances publiques, des opérateurs privés et des citoyens.
Le rétablissement et le relèvement de la notation est un processus possible et réalisable à travers des actions concrètes, dont les premières peuvent être menées à court terme afin de réaliser et d’exécuter le potentiel que recèle le tissu économique national.