La crise de la dette tunisienne, quels scénarios probables ? Entre optimisme prudent et prudence renforcée. Pour planter le décor, le match de l’Economiste Maghrébin pour ce mois, tenu le jeudi 9 février, se focalisera sur la crise de la dette tunisienne. Quels scénarios probables ? Peut-on éviter le défaut de paiement compte tenu du poids de la dette et de l’ampleur des remboursements prévus au cours de l’année ? Si non, pourquoi, si oui, comment.
Le débat est lancé. Le face-à-face entre M. Houssein Mouelhi, ancien DGA d’Amen BANK et directeur général de la BTK et M. Mohamed Salah Souilem, ancien directeur à la BCT, nous donne les esquisses d’une réponse qui varie entre un optimisme prudent et une prudence renforcée. Un débat sur la dette publique qui va nous mener, suite logique, à parler FMI. Un accord avec le Fonds est-il encore envisageable? Auquel cas, quelles en seraient les retombées, au regard de l’attitude des bailleurs de fonds étrangers ? Question qui ne fait pas le débat on commencera par définir les causes de cette crise. Pourquoi en est-on arrivé
De l’impératif d’un accord avec le FMI Un accord avec le FMI est-il encore envisageable? Auquel cas, quelles en seraient les retombées au regard de l’attitude des bailleurs de fonds étrangers ?
H.M. : Je viens de dire que la dette tunisienne est devenue insoutenable. Cela dit, est-ce irréversible ? Je pense qu’on peut agir, mais il faut le faire vite. Je parle de quelques mois, voire d’ici fin mars. Il faut d’ici là obtenir l’accord avec le FMI. Il faut qu’à très court terme, la diplomatie joue son va-tout pour qu’on puisse signer un accord avec le FMI. C’est là la « clé de voûte » et tout chemin, s’il en existe un, doit passer par le FMI. Je suis foncièrement contre l’idée d’aller au Club de Paris, et encore moins au Club de Londres. En tout cas, ce n’est pas ce que je souhaite pour mon pays, d’autant plus que les inconvénients pèseront plus lourd que les avantages et que pour le Club de Paris, la dette bilatérale ne représente que 17% de la dette extérieure. C’est trop compliqué et même dans ce cas de figure, le FMI sera présent et il devra donner son accord. On parle par ailleurs d’un diktat du FMI. Mais ce que nous demande le Fonds, c’est du bon sens. Il nous demande tout simplement de revenir au respect des règles de la gestion budgétaire et aux règles de soutenabilité de notre dette à long terme. Il nous demande de lancer des réformes qu’on a étudiées, qu’on connait déjà, et qu’il faut mettre en œuvre maintenant, aujourd’hui. En fait, qu’est-ce qui bloque encore avec le FMI ?
Selon ce qui a été dit, et n’étant pas dans le secret des dieux, il nous reste à présenter la loi sur la restructuration des entreprises publiques et celle sur les taux d’intérêts excessifs. Pour ce qui est des subventions par exemple, on a déjà entamé le chemin vers la vérité des prix. C’est pour cette raison que je dis que ce n’est pas irréversible, mais il faut faire vite. Il faut laisser de côté tous les autres débats et se focaliser sur la question économique.
M.S.S : Avant de parler de la pertinence d’un accord avec le FMI, il faut d’abord rappeler, compte tenu des conditions qui prévalent, que nous sommes, de par le coût, aujourd’hui, dans l’incapacité d’aller sur les marchés financiers internationaux. Au regard du Spread lié à la situation financière de la Tunisie, le taux va être de 20 à 30%, c’est inconcevable et c’est donc à écarter. Que reste-t-il alors ? Les instances internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale. Donc, à mon sens aujourd’hui, il va falloir envoyer des messages positifs pour mettre en confiance aussi bien les investisseurs étrangers que tunisiens. Aujourd’hui, nous avons besoin plus que jamais de signer cet accord avec le FMI. C’est inévitable, puisqu’il va ouvrir la voie à d’autres ressources. Un accord sera l’assurance pour nos partenaires que la Tunisie va mettre en place les réformes nécessaires et surtout les mesures qui seront de nature à assurer une meilleure maîtrise des finances publiques. Il faut transmettre un message clair à nos partenaires, leur montrer qu’on avance avec le FMI et ce, en entamant, dans l’immédiat les réformes nécessaires. Et puis, arrêtons de dire que le FMI va nous imposer des réformes. J’ai eu l’occasion, de par mon expérience à la BCT, de travailler avec ces instances. Le FMI ne nous impose rien. Les réformes sont l’émanation des autorités tunisiennes. Les instances internationales les entérinent et aident seulement à les réaliser.
Le FMI est notre première priorité. Notre deuxième priorité relève de la gouvernance politique. On doit faire en sorte que la croissance reprenne. Il n’y a que la croissance qui permettra à l’Etat de collecter des ressources de manière à réduire le déficit et à combler une partie des besoins de financement de l’Etat. Conséquences de la dette intérieure On parle souvent de la dette intérieure et des conséquences qu’elle peut avoir, notamment en termes de répercussion sur les banques tunisiennes et donc sur l’investissement intérieur et sur l’augmentation des taux d’intérêt.
Cet extrait du match est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 863 du 15 février au 1 er mars 2023