Le président américain Joseph Biden a effectué lundi 20 février une visite surprise en Ukraine. La visite a eu lieu juste quatre jours avant le 24 février qui marquera le premier anniversaire du conflit en Ukraine. Dans un communiqué, M. Biden a déclaré que le but de son voyage dans la zone de guerre était de « réaffirmer notre engagement indéfectible envers l’Ukraine ».
Mais a-t-il réellement besoin de faire 10 heures en avion pour rendre visite à un pays en guerre rien que pour « réaffirmer l’engagement indéfectible » de l’Amérique envers l’Ukraine? Depuis un an, pas un jour ne passe sans qu’un responsable américain à la Maison-Blanche, au Département d’Etat ou au Pentagone ne réaffirme cet engagement ou n’annonce un nouvel envoi d’armes et de munitions.
Beaucoup d’observateurs penchent plutôt pour une autre explication. M. Biden a pris le chemin de l’Ukraine parce qu’il est inquiet. Il espérait par cette visite-surprise galvaniser l’armée ukrainienne et l’encourager à redoubler de résistance, dans l’espoir de réaliser quelques succès sur le terrain.
En effet Joseph Biden est inquiet, car en dépit des milliers de tonnes d’armements et des milliards de dollars du contribuable américain, l’Ukraine ne cesse d’accumuler les défaites et la Russie les succès. Autant que son ami M. Zelensky, M. Biden a désespérément besoin d’une réalisation militaire, d’un succès sur le terrain, même modeste, pour le présenter aux Américains qui commencent à se poser des questions sur cette « aide sans fin » à l’Ukraine.
En outre, M. Biden est inquiet aussi car les manifestations contre la guerre en Ukraine ne se limitent plus aux pays européens. Alors qu’il se préparait pour partir à Kiev, des manifestations massives ont eu lieu le dimanche 19 février à Washington, exigeant à la fois l’arrêt de la guerre et de l’aide à l’Ukraine.
Pour ajouter à la confusion, le Washington Post a rapporté que l’administration Biden avait fait savoir à l’Ukraine que l’aide qu’elle est en train de recevoir « pourrait ne pas durer éternellement ». Cette information vient juste quelques jours après que le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a reconnu que « les stocks de munitions de l’alliance étaient en train de s’épuiser. »
Pourtant, à son arrivée à Kiev, le président américain assura ses hôtes ukrainiens que « les États-Unis continueraient à soutenir l’Ukraine militairement et financièrement aussi longtemps qu’il faudra ». Ces signaux contradictoires prouvent les degrés de confusion et d‘inquiétude qui agitent Washington.
Entre signaux contradictoires et oppositions intérieures
Plus inquiétant encore pour l’administration Biden : l’opposition à la guerre semble gagner le Congrès. En effet, des membres républicains au Congrès ont critiqué le voyage présidentiel à Kiev. « Quand Joe Biden donne la priorité à une visite en Ukraine avant l’Etat de l’Ohio, on a là l’exemple parfait que son administration se soucie de l’Amérique en dernier ». Ainsi déclarait le représentant républicain Tom Emmer.
Il est à rappeler ici qu’il y a quelques jours, dans l’Etat de l’Ohio, un train de 150 wagons qui transportait des matières dangereuses a déraillé, provoquant une évacuation des zones environnantes et une inquiétude dans toute la région. La population craint que des produits chimiques toxiques se soient peut-être répandus dans l’air ou aient contaminé l’eau.
Nombre de représentants républicains au Congrès sont furieux que « le président américain se soucie plus de l’Ukraine que de l’Ohio ».
« Vous voulez savoir pourquoi les Américains sont frustrés? C’est parce que Joe Biden visite l’Ukraine avant l’Ohio », estime le sénateur républicain Eric Shmitt. Quant à la représentante de Géorgie, Marjorie Taylor, elle a qualifié J. Biden de « dernier imbécile de l’Amérique » et est allée jusqu’à demander sa destitution…
Cela dit, le plus grave est que ce président octogénaire a mis son pays et ses alliés européens dans une impasse dangereuse. Après un an d’engagement massif auprès des autorités de Kiev, une défaite de l’Ukraine serait plus humiliante pour les Américains que pour les Ukrainiens. Une perspective de nature à nourrir encore plus la russophobie de l’Establishment washingtonien et à accroître le danger d’une confrontation directe de deux puissances nucléaires.