L’idée même de souveraineté nationale est liée à l’idée moderne de la Nation. Elle est par conséquent liée aussi aux notions de constitution, frontière et droit international. On doit à la Révolution française, et particulièrement à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faite le 26 août 1789, la naissance officielle de ce concept fondamental, qui a cependant évolué avec le temps. Et surtout avec la mondialisation de l’économie et la révolution technologique et médiatique.
La souveraineté nationale pour la Tunisie de 2023, n’est plus celle de 1956, année de la proclamation de l’Indépendance. Et même celle de 1959 année de la création de la constitution et de la fondation de la République. La preuve? Après même l’adoption de l’article 1, Bizerte était encore sous occupation française et il aura fallu une guerre (harb benzart) pour que la Tunisie redevienne réellement souveraine avec son intégrité territoriale et ses frontières actuelles.
Depuis cette époque, le monde a connu une transformation profonde dans les rapports qui régissent les relations entre États. Dire que la souveraineté nationale est en danger ne fait que brouiller encore plus la vision qu’on doit avoir sur ce que doit signifier pour nous la notion de souveraineté nationale.
Souveraineté et manœuvres politiciennes
Quand les notions sont floues et la culture politique des différents acteurs de la scène nationale laisse à désirer, l’utilisation de la notion de souveraineté risque de créer des malentendus dangereux. Surtout quand des légions de soi-disant « activistes politiques » infestent les plateaux tv, les radios et les réseaux sociaux.
L’Etat tunisien par exemple, a le droit, de refuser l’accès à son territoire ou d’expulser quiconque, qu’il juge utile de garder en dehors de son territoire. C’est un principe international lié au principe de souveraineté. Les Etats démocratiques usent de ce droit, chaque jour que Dieu fait, en renvoyant des milliers de demandeurs d’asiles, de clandestins, de personnes ayant leurs papiers en règle et même des diplomates bien accrédités. Mais ils ne se prévalent jamais publiquement du principe de la souveraineté nationale. Ils l’exercent tout simplement. Aucun autre Etat ne viendra les accuser d’avoir enfreint le droit international.
Par conséquent la Tunisie n’a enfreint aucune loi internationale en exigeant de la cheffe des syndicats européens dépendant de la (CISL) de quitter le territoire. Cependant on n’avait aucun besoin de publier une déclaration solennelle pour justifier cet acte souverain. Deux simples agents de la police aurait du s’acquitter de cette besogne, car elle fait partie de leur travail. Agir autrement, c’est prêter le flanc à toutes les attaques, notamment aux puissants lobbys syndicaux qui ont une influence grandissante en Europe sur les décideurs européens.
Pour preuve, la dernière affaire de corruption par l’Emirat du Qatar de la vice présidente grecque du parlement européen. Celle-ci ayant été prise en flagrant délit de transport d’argent ainsi d’ailleurs qu’un des membres influents de la CSI (confédération syndicale internationale dont l’UGTT est membre), qui a joué l’intermédiaire. Tous les deux ont été arrêtés par la justice belge, parce que l’affaire a eu lieu à Bruxelles. Aucun média tunisien et aucun partisan du pouvoir n’a fait le rapprochement. La syndicaliste irlandaise expulsée de la Tunisie est la représentante européenne du CSI dont le siège est aussi à Bruxelles.
Mais ceci ne veut nullement dire que les syndicats étrangers n’ont nullement le droit d’interférer dans nos affaires syndicales et donc forcément intérieure. Depuis la création de la CISL, le 7 décembre 1949, scission du FSM (Fédération Syndicale Mondiale, communiste) les syndicalistes affiliés n’ont jamais cessé d’interférer dans les affaires syndicales de tous les pays du monde.
C’est Farhat Hached soutenu par H. Bourguiba qui intégra l’UGTT dont il est fondateur à la CISL en mars 1951. Depuis cette date, cette organisation mondiale pro-américaine a toujours soutenu les syndicalistes tunisiens contre le pouvoir en place, contre Bourguiba, Ben Ali, la Troïka, BCE et finalement contre Kaïs Saïed. Mais s’il y a erreur, c’est peut être du côté des syndicalistes tunisiens qui auraient pu éviter qu’une telle situation se produise. Pour une réunion régionale un simple message de soutien de la part du CSI aurait suffi, en raison de la tension actuelle entre les syndicats et le pouvoir.
Sachant que cette syndicaliste anglaise (Irlande) est une farouche altermondialiste, la Tunisie dépendant désormais totalement du FMI pour que son économie ne s’écroule pas, il n’était pas nécessaire de lui donner l’occasion de rendre la situation plus compliquée qu’elle n’est. A l’évidence les dirigeants actuels de la centrale manquent de maturité politique.
S’il est tout à fait normal et sain que l’Etat tunisien réagisse à toutes les formes d’ingérence dans nos affaires intérieures; il n’en reste pas moins qu’il faut étudier les moyens diplomatiques adéquats pour réagir énergiquement. Et notamment à travers nos représentations diplomatiques à l’étranger.
A ce propos, nous remarquons que nos chefs de la diplomatie, sauf une exception, depuis 2011 ne font pas de différence entre une déclaration politique et une déclaration diplomatique dont les mots et les phrases doivent êtres choisis et étudiés avec soin. Le nouveau ministre du MAE, pourtant diplomate de carrière et ancien ambassadeur, serait mieux inspiré quant il s’agit d’une déclaration venant d’un représentant de l’ONU. S’il est vrai que ce dernier a fait une déclaration trop agressive concernant les droits de l’Homme en Tunisie, alors qu’il ignore systématiquement les agressions contre ces mêmes droits en Israël ou ailleurs, la Tunisie a souvent usé de moyens diplomatiques plus subtils pour répondre.
Toutefois, notre pays étant membre de l’ONU et ayant signé toutes les conventions sur les droits de l’Homme, il n’y a pas lieu d’invoquer la souveraineté nationale quand un haut responsable de cette organisation nous attaque aussi vertement! Peut-être faut-il désigner un ambassadeur rompu aux questions des droits de l’Homme et au lobbying pour l’envoyer à Genève. Il saura faire le travail nécessaire! Nous disons cela parce qu’il s’agit de l’image du pays et non pour défendre telle ou telle partie du conflit qui secoue la Tunisie.
Ingérence directe de certains ambassadeurs étrangers
Que des ambassadeurs de pays frères ou amis se déplacent individuellement pour rendre des visites de courtoisie à des organisations de la société civile, cela fait partie de leur mission telle qu’elle est bien définie par la Convention de Vienne de 1961. Sauf que l’ambassadeur et chef de mission représente son Etat auprès de l’Etat où il est accrédité. Et non pas auprès de la société civile de ce pays. Mais quand plusieurs ambassadeurs se déplacent ensemble pour « soutenir » une ONG comme le syndicat des journalistes, que leurs pays financent à travers de multiples réseaux, cela devient un flagrant délit d’ingérence. Je ne crois pas qu’ils oseraient faire cela en Turquie, en Iran ou même dans un pays européen.
Jamais un ambassadeur accrédité en France n’a assisté à une manifestation militante dans ce pays par exemple. Encore plus, aussi bien les médias que les ONG ne peuvent recevoir un euro d’un Etat étranger. L’affaire du financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en est l’exemple parfait. Ou l’affaire du lobbying du même Sarkozy pour le Qatar pour l’organisation de la Coupe du monde. Curieusement, à part une réaction hostile de beaucoup d’internautes, dont nombre de journalistes, aucune réaction officielle n’a été enregistrée.
Sous couvert de défense de la liberté de la presse, une ingérence insidieuse et étrangère est en cours. Alors que les journalistes tunisiens se mobilisent pour défendre les seuls acquis de la dite « révolution » et n’ont nullement besoin d’une telle interférence dans leur combat. Il suffit de suivre les plateaux tv européens à propos de la guerre en Ukraine, pour comprendre ce que signifie pour ces puissances « liberté de la presse ». Alors que même des artistes et créateurs russes sont censurés et empêchés de se produire dans les pays occidentaux, parce qu’ils portent la même nationalité que Poutine.
S’opposer à KS ou à son gouvernement n’autorise donc pas toutes les dérives. Sachant qu’une partie des opposants à KS étaient les pires oppresseurs des journalistes et des médias à l’époque où le pays était sous leurs bottes. Nous sommes fermement attachés à la liberté de la presse. Mais cela ne doit pas nous entrainer sur la mauvaise voie qui consiste à mendier le soutien des puissances, mêmes amies. Nous ne pouvons être le cheval de Troie de quiconque et encore moins de ceux qui ont déclenché « le printemps tunisien ».