Peut-on enseigner la langue maternelle tunisienne à l’école ou encore l’utiliser dans l’administration? L’association Derja, qui œuvre pour la promotion du dialecte tunisien a initié le débat. Compte-rendu d’une rencontre qui a opposé les puristes de la langue arabe aux autres qui trouvent que cela est possible et même souhaitable.
Le Dialecte tunisien peut-il devenir une langue officielle en Tunisie? Ce dialecte qui emprunte ses mots et expressions au vécu des Tunisiens depuis des siècles peut-il, par exemple, être enseigné à l’école et devenir une langue de l’administration? La question a trotté dans bien des têtes des participants de la rencontre organisée, le 25 février 2023, à la Maison de la Culture de Tunis; et ce, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle.
Le thème de la rencontre « Le tunisien, langue officielle » n’a pas manqué de susciter cela dit- et comme il fallait s’y attendre- des débats. Souvent fructueux, mais aussi teintés d’un certain acharnement. Des puristes de la langue arabe sont venus défendre l’idée qu’une telle proposition ne peut que venir perturber le cours de l’histoire et du vécu national d’une manière générale.
Financement par des parties étrangères
L’idée est bien simple : la Tunisie est arabe et musulmane et la proposition de l’association Derja, initiatrice de la rencontre et qui milite pour une valorisation de la langue maternelle tunisienne, cache sans doute de vilains desseins. On soupçonne jusque le fait que des forces voulant nuire à l’indépendance de la Tunisie et à sa souveraineté seraient de la partie. Ramzy Chérif, président de Derja, a exposé certains des messages postés sur la page Facebook de son association. On soupçonne même Derja d’être financée par des parties étrangères.
En face de ces derniers, on estime que cela est non seulement possible, mais aussi souhaitable. Possible, parce certains, y compris parmi nos voisins, ont choisi une autre langue que l’arabe sans perdre leur âme. Fadhila Laouani, Professeur émérite de littératures française et francophone à l’université de La Manouba, est venue présenter l’exemple de l’Algérie et du Maroc où la langue berbère est enseignée au primaire et au lycée. Pourtant la langue arabe n’a pas perdu sa place. Nombre de pays possèdent, cela dit, plus d’une langue nationale.
Des accrocs
Souhaitable aussi dans la mesure où l’enseignement de l’arabe à l’école primaire ne se fait pas sans accrocs. En clair, l’élève ne se fait pas facilement à l’arabe après avoir été initié dans son environnement social et familial à ce qu’on appelle la langue dialectale tunisienne. C’est du moins ce qu’a affirmé le psychologue de l’éducation Anis Ben Chouikha dans une intervention sur la « psychologie de l’enseignement ». La langue arabe, qu’il ne pratique que strictement à l’école, ne lui permet pas de s’exprimer parfaitement. Pour ne pas dire qu’il trouve des difficultés à bien la comprendre.
En fait un débat qui risque de perdurer.
Par Mohamed Gontara