En réponse au communiqué émanant vendredi dernier de la commission de l’Union africaine, lequel appelle « à traiter tous les migrants avec dignité et s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste », le chef de la diplomatie tunisienne, Nabil Ammar est monté au créneau pour prôner « l’apaisement ». Mais tout en excluant « de présenter des excuses ».
Il fallait de toute urgence convaincre nos amis africains que les propos prononcés récemment par le président de la République Kaïs Saïed- sur l’arrivée massive de « hordes de migrants clandestins » sur le sol tunisien et que cette immigration relevait d’une « entreprise criminelle destinée à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère arabo-musulman; et qu’il fallait en conséquence prendre des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine de ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne et que leur présence en Tunisie était source de « violence et de crimes »- sont sortis de leur contexte. De plus, la Tunisie, l’un des pays fondateurs de l’Unité africaine et qui donna jadis son nom, Ifrikia, à l’ensemble du continent, ne saurait épouser une politique raciste et xénophobe envers nos frères africains.
Ainsi, Nabil Ammar, le nouveau ministre des Affaires étrangères, dont c’est certainement la première crise diplomatique majeure, s’est attelé à cette tâche ingrate. Et ce, en expliquant que la Tunisie prône « l’apaisement », tout en excluant de présenter des excuses après les remous suscités par le discours présidentiel du 21 février 2023 sur les migrants subsahariens.
Nabil Ammar : « Un faux procès »
« C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser. Et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par des canaux officiels et autres ». C’est ce qui ressort de la déclaration, lundi 27 février à l’AFP, du chef de la diplomatie tunisienne. Lequel répète : « Non, il n’est pas question d’excuses du tout, nous n’avons porté atteinte à personne ».
« Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus », a précisé le ministre. « Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité ».
Sachant que selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie compte plus de 21.000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière. Soit moins de 0,2 % d’une population totale d’environ 12 millions.
Répondant à certaines ONG qui évoquent une recrudescence d’agressions contre des migrants africains qui se sentent « livrés à la vindicte populaire », le ministre préconise de « ne pas mélanger les actes individuels et les actes des autorités ». Ainsi, indiquait-il, « les autorités sont en train de prendre toutes les mesures pour protéger tous les migrants en Tunisie, qu’ils soient légaux ou illégaux ».
Diversion ?
D’autre part, M. Ammar a balayé d’un revers de main les allégations selon lesquelles le dernier discours du président de la République sur les migrants vise à détourner l’attention de la dégradation des conditions de vie et d’une situation politique qui s’est encore tendue en février avec une vague d’arrestations. « Bien sûr que non, ce sont leurs interprétations, ce n’est pas la réalité », répliquait-il avec véhémence.
La Tunisie prise en sandwich
Prenant la défense du discours du chef de l’Etat faisant valoir que « les autorités tunisiennes sont dans leur droit d’alerter quand il y a des flux croissants d’immigrés illégaux avec toutes les conséquences que cela peut entrainer », le chef de la diplomatie tunisienne a souligné que le Tunisie est « prise en sandwich entre le Nord et le Sud et quand nous disons qu’il y a un problème ( d’immigration clandestine NDLR) , les gens nous taxent de racisme, vous voyez comme c’est injuste ! »
Pour rappel, la plupart des migrants subsahariens arrivent en Tunisie pas pour y vivre; mais pour tenter d’immigrer clandestinement vers l’Europe par la mer.
La Tunisie, faut-il le souligner, dont certaines côtes se trouvent à moins de 150 km et à 17 heures de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, surtout des Subsahariens, vers l’Italie. Les garde-côtes qui interceptent régulièrement des embarcations de fortune en partance pour les côtes italiennes jouent ainsi un rôle majeur dans la surveillance des routes migratoires en Méditerranée.
Contre 8 millions d’euros par an offerts à la Tunisie par Rome pour contrer la migration clandestine visant les frontières italiennes; selon les allégations de l’ancien député des Tunisiens en Italie, Majdi Karbai, lundi 27 février 2023, sur Shems FM?