Quel crédit accorder aux accusations de « délation » lancées par l’avocate Dalila M’saddek, membre du comité de défense des accusés dans l’affaire du complot contre la sûreté de l’État, contre sa consœur Maya Ksouri. Celle-ci ayant tout démenti en bloc? Un feuilleton pré-ramadanesque à rebondissements. A suivre.
De l’avis général, depuis sa récente nomination à la tête du département des Affaires étrangères, Nabil Ammar aura insufflé une nouvelle dynamique à la diplomatie tunisienne.
Ainsi, le nouveau ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, s’est fendu, mardi 28 février 2023, d’un communiqué ferme où il rappelle les exigences de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, « qui stipule clairement le devoir des diplomates de respecter les lois du pays auprès desquels ils sont accrédités et de ne pas s’immiscer dans ses affaires intérieures ».
Avertissement
Pourquoi ce rappel à l’ordre qui ne manque pas de sévérité inhabituelle dans le langage diplomatique? Car cela a un écho à « ce qui a été rapporté par certains médias et sur les réseaux sociaux concernant la poursuite en justice de quelques personnes pour avoir pris contact avec des missions diplomatiques accréditées à Tunis ».
Ainsi, le décor est planté : il s’agit clairement de certaines personnalités politiques et publiques, interpellées depuis le 11 février dernier et accusées de « conspiration avec des parties étrangères et de complot contre la sureté de l’Etat ».
A ce titre, et pour les mêmes accusations susmentionnées, des mandats de dépôt ont été émis contre dix personnalités politiques et médiatiques. En l’occurrence : Kamel Ltaif, Khayam Turki, Abdelhamid Jlassi, Noureddine Boutar, Ridha Belhaj, Lazhar Akremi, Chaima Aïssa, Issam Chebbi, Ghazzi Chaouachi et Jawhar Mbarek.
Motus et bouche cousue
Alors, s’agit-il d’une affaire politique dont le but est d’éliminer des adversaires politiques, comme le suggèrent les avocats de la défense de ces personnalités incriminées, ou d’un grave complot contre la sûreté de l’Etat?
Avec le mutisme assourdissant de la part du Ministère public et du département de l’Intérieur sous prétexte du secret de l’enquête en cours et en l’absence de preuves tangibles et matérielles étalant les chefs d’accusation aussi graves que le complot contre la sûreté de l’Etat passible de la peine capitale, nous devons nous contenter des déclarations orientées par nature émanant des avocats, ou, hélas, de bribes d’informations grignotées sur les réseaux sociaux. Lesquels se permettent le luxe de diffuser des fuites de PV supposés être officiels. Où allons-nous? Et dans quel monde vivons-nous?
Et c’est dans cette confusion la plus totale où tout le monde patauge que Dalila M’sadek, membre du comité de défense des accusés dans l’affaire du complot contre la sûreté de l’État, entre autres Khayem Turki, a jeté un pavé dans une mare déjà trouble.
Mystères
Ainsi, la sœur de Jawhar Mbarek, de son état professeur en droit constitutionnel et fille de Ezzedine Hazgui, l’activiste et ancien militant du mouvement de l’extrême gauche « Perspectives », le premier encore sous les verrous, le deuxième relâché vu son grand âge et probablement faute de preuve, vient de révéler en marge d’une conférence de presse tenue par le Front de salut national, lundi 27 février 2023, que « les informations à l’origine de la récente vague d’arrestations en lien avec l’affaire du complot contre la sûreté de l’Etat, proviennent de deux personnes, qui sont également impliquées dans le même complot ». Ajoutant que « l’un de ces informateurs purge actuellement une peine de prison alors que le deuxième est maintenu en état de en liberté mais interdit de voyage ». Lequel?
Et d’expliquer : « Le dossier construit sur des contre-vérités et à la base des récentes arrestations provient du témoignage anonyme d’une personne qui s’est livrée à la justice. Indiquant avoir en sa possession des informations à fournir à la justice ». Encore de qui s’agit-il?
Toujours selon l’avocate, l’un des deux informateurs aura présenté aux enquêteurs une version selon laquelle l’homme d’affaires Kamel Ltaif est en vérité le « chef d’un gang » qui vise « à détruire la Tunisie depuis 2011 et la transition démocratique. Et ce, en ciblant la commission électorale, le Forum économique et social et les médias alignés derrière la révolution ». Il serait également « celui qui contrôle la ligne éditoriale des médias ».
Nous saurons enfin l’identité de l’un de ces deux « informateurs » dans ce rocambolesque feuilleton, hier mercredi 1 mars, lors de l’intervention de l’avocate Dalila Msaddek sur les ondes de la radio privée IFM.
Ainsi, selon Maître M’saddek, l’informatrice en question n’est autre que l’avocate et célèbre chroniqueuse Maya Ksouri. Laquelle, selon les dires de sa consœur « a accusé Khayem Turki de complot contre la sûreté de l’État pour se disculper. Le but du témoignage de Maya Ksouri « était de prouver la relation de Khayem Turki avec l’ancien ambassadeur de France Olivier Poivre d’Arvor qui aurait œuvré pour installer l’homme d’affaires au poste de chef du gouvernement ».
Maya Ksouri a démenti, mardi 28 février 2023 sur Shems FM les propos tenus à son encontre lundi 27 février par l’avocate Dalila M’saddek, dans lesquels elle l’accuse ouvertement et sans détour d’avoir témoigné contre Khayem Turki. Puisque, selon sa version, elle a été convoquée à Bouchoucha dix jours après l’arrestation de ce dernier, le 11 février dernier.
« Dalila Ben Mbarek ment, ce n’est pas une personne fiable, elle n’en est pas à son coup d’essai et c’est honteux dans la mesure où sa perte de crédibilité peut nuire aux personnes qu’elle défend », répliquait la chroniqueuse.
Alors qui croire entre les deux versions, d’ailleurs à prendre avec prudence? Il semble évident qu’il s’agit là d’une animosité personnelle entre les deux ténors du barreau, doublée de positionnement politique aux antipodes l’un de l’autre.