Un record historique des achats en or. La demande mondiale du métal jaune en 2022 a atteint les 4 741 tonnes, soit une hausse de 18%. Les banques centrales du monde ont totalisé des achats de 1 136 tonnes d’or en 2022 contre 450 tonnes en 2021, avec 862 tonnes pour le deuxième semestre de 2022, précise le World Gold Council (WGC). Du jamais vu depuis 55 ans.
Pourquoi les banques centrales accumulent autant d’or dans leurs coffres ? Quatre raisons expliquent cette boulimie pour le métal jaune.
Premièrement, l’or est une valeur refuge en temps de crise. La montée de l’incertitude économique et des tensions politiques et géostratégiques justifie un tel comportement. Un niveau confortable de réserves en or permet de mieux protéger la souveraineté nationale, dans la mesure où, à tout moment, l’Etat peut puiser dans ses réserves en or pour freiner le dérapage d’un déficit courant ou pour honorer le service de la dette.
Deuxièmement, l’or permet de se couvrir contre le risque inflationniste. L’invasion russe de l’Ukraine et la flambée des prix des produits de base qui en résulte ont mis les chiffres de l’inflation sur un trend haussier. D’où la ruée vers l’or pour se prémunir de ce risque.
Troisièmement, l’achat massif de l’or s’inscrit dans un processus de diversification des réserves de change. Plusieurs banques centrales de pays émergents, sur- tout celles les plus exposées aux sanctions américaines ou aux risques de conflits commerciaux avec les Etats-Unis (Chine, Turquie, pays du Sud-Est asiatique…) ont renforcé leurs avoirs en or.
Quatrièmement, la remontée des taux d’intérêt a boosté le mouvement d’achat de l’or. La hausse des taux directeurs des grandes banques centrales s’est très vite transmise aux taux longs du marché obli- gataire. Dans un tel contexte, face à la crainte d’une dévalorisation de leurs portefeuilles obligataires, les banques centrales détentrices d’obligations d’Etat (surtout en Treasury-bonds américains) ont opté pour une migration vers l’or.
Au total, dans un monde où les poussées inflationnistes sont amenées à s’installer dans le paysage pour une longue période (programmes de relance, greenflation, vieillissement de la population…) et où les risques géopolitiques ne cessent d’augmenter et d’alimenter les appels à la dédollarisation, le repositionnement des banques centrales sur le métal jaune s’avère un processus irréversible.
Par Moez Labidi
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 864 du 1 er au 15 mars 2023