Connu pour être un fervent défenseur de la privatisation des entreprises publiques, Moez Joudi nous explique pourquoi. Pour cela, il revient sur le projet de décret-loi complétant et amendant la loi 89-9 et sur son importance pour faire évoluer la position du FMI. Il nous explique aussi le comment. Pour le président de l’Institut tunisien des administrateurs, il ne s’agit pas de privatiser pour privatiser. Il faut savoir le faire.
La privatisation des entreprises publiques ne fait pas l’unanimité. Vous êtes un fervent défenseur de l’idée de privatiser. Pourquoi ? Que répondez-vous à ceux qui craignent la dénationalisation du pays ?
Tout d’abord, la privatisation n’est ni une tare ni une œuvre satanique qu’il faut absolument bannir. Des entreprises publiques tunisiennes ont déjà été privatisées, certaines d’entre elles sont bien performantes aujourd’hui et d’autres se retrouvent dans des dynamiques de développement intéressantes. Ensuite, il faut souligner qu’il ne s’agit pas de privatiser toutes les entreprises publiques, mais celles qui se trouvent actives dans des secteurs concurrentiels, celles qui occupent des positions de rente et détiennent des situations de monopole et celles qui ont besoin de s’internationaliser et d’atteindre un nouveau potentiel différent, notamment dans les marchés émergents ou bien en Europe. Ainsi, la privatisation pourrait concerner, dans une première phase, cinq à six unités (STAM, SNDP, SIPHAT, STAR, BH…) et être conditionnées par le respect des intérêts des parties prenantes. De l’argent frais, notamment en devises, pourrait rentrer dans les caisses de l’Etat et consolider les réserves de la Banque centrale, tout en renforçant les fonds propres de l’entreprise.
Même si on veut privatiser les entreprises, peut-on vraiment le faire avec des entreprises en faillite chronique ?
Pas nécessairement ! L’Etat a intérêt aussi à privatiser des entreprises bénéficiaires et qui peuvent évoluer vers des performances plus conséquentes. Le plus important, c’est que les process de privatisation suivent des chemins fiables et transparents et que les recettes des opérations servent à rééquilibrer le budget de l’Etat et à financer le développement, notamment régional.
On parle de restructuration de ces entreprises. Comment peut-on le faire ?
Certaines entreprises publiques peuvent être restructurées à la suite d’un diagnostic profond et à travers notamment une meilleure maitrise des charges et un développement des produits. Outre les restructurations stratégiques et les changements de positions commerciales ainsi que le développement de partenariats locaux et internationaux. Le plus lourd, c’est la conduite des changements et les programmes de transformation digitale et numérique à mener dans ces entreprises, au risque de perdre leur compétitivité et leur viabilité. Il est important également de travailler sur de nouveaux concepts de management à développer dans les entreprises publiques, notamment le Risk Management, la compliance et l’ESG (Ecology, Social & Governance).
Quelles sont les entreprises prioritaires à privatiser aujourd’hui en Tunisie ?
La RNTA, la STAM, la SNDP, la BH et la STAR. Autrement dit, l’Etat pourrait se désengager et vendre ses participations directes ou croisées, tout en s’assurant de l’identité des repreneurs et de leur intention en matière d’investissement et de développement. L’Etat gagnerait à le faire, mais il se doit de rassurer l’ensemble des parties prenantes et de bien les impliquer dans les process.
Un extrait de l’interview qui est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 864 du 1 er au 15 mars 2023