La Banque mondiale (BM) a annoncé, hier, la suspension jusqu’à nouvel ordre de son cadre de partenariat avec la Tunisie. Et ce, en raison des agressions contre des ressortissants subsahariens. Toutefois, les projets financés restent financés, ceux en cours restent en cours.
La décision concerne le cadre de partenariat pays, qui sert de base de suivi par le Conseil d’administration de la Banque mondiale, afin d’évaluer et accompagner la Tunisie dans ses programmes d’aide 2023-2025. Concrètement, l’institution ne peut plus lancer de nouveau programme de soutien au profit du pays tant que son Conseil d’administration ne s’est pas tenu, alors que ses réunions sont reportées à une date ultérieure.
Zéro tolérance
La BM est très stricte en matière de racisme. Dans sa charte, l’institution considère que la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, sous toutes leurs formes et dans tous les contextes, est fondamentale pour mettre fin à l’extrême pauvreté et stimuler une prospérité partagée.
Le Groupe de la BM cherche à traduire cette volonté dans le cadre de tous ses projets, programmes et investissements qu’il finance afin de répondre efficacement aux défis du développement et d’œuvrer au développement durable.
Le racisme empêche les gens de tirer le meilleur parti de leur potentiel économique. Une société moins raciste peut être une société économiquement plus forte.
La décision d’hier soir va négativement impacter la coopération de la Tunisie avec les autres institutions financières. Elle mettrait une pression supplémentaire dans ses négociations avec le FMI. La Loi de Finances prévoit 1 220 MTND comme appui de la Banque mondiale qui, théoriquement, ne seraient pas remis en cause. Mais pour les années à venir, cela a l’air d’être compliqué.
Le pire momentum possible
Bien que nous soyons certains que la volonté des autorités tunisiennes n’a rien à avoir avec le racisme, le mal est fait. L’objectif est purement sécuritaire. Car le pays ne peut pas, de point de vue économique, supporter un flux migratoire important.
Le problème est que cette décision souveraine est intervenue à un moment politiquement complexe. Le fait que les Européens font pression sur la Tunisie pour qu’elle soit une terre d’accueil et de tri des migrants vers la rive nord de la Méditerranée n’est pas un secret. Les autorités tunisiennes l’ont toujours refusé. De plus, le pays est devenu une plateforme de transit pour ceux qui veulent rejoindre l’Europe à travers des réseaux. Ce qui entre dans le cadre des crimes d’exploitation de personnes. Cela nous a causé des soucis avec nos voisins européens, surtout Rome.
Il est aussi évident que certaines parties africaines ont profité de l’occasion pour mettre Tunis dans l’embarras. La concurrence directe et le règlement tacite de comptes ont encouragé ces mouvements, renforcés par les réactions sur les réseaux sociaux. Ce que certains Tunisiens ont commis envers des Subsahariens étaient scandaleux et inadmissible, enfonçant le pays dans l’embarras diplomatique avec tout un continent.
Les dégâts peuvent être limités, à condition
Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura une facture économique à payer à court terme.
En ce qui concerne les finances publiques, et si le problème persiste, il faudra budgétiser en 2024 sans l’appui budgétaire de la BM. Nous avons vu en fin de semaine Fitch annoncer que le pays a pu actualiser son plan de financement. Il est prêt à signer avec le FMI. En l’absence de la rubrique BM, cela nous semble désormais difficile d’atteindre un accord avec l’autre institution financière de Bretton Woods.
Pour les entreprises, la situation à court terme est assez compliquée. L’impact réel ne peut être quantifié immédiatement. Si le volume des exportations reste faible dans la balance commerciale, il est vital pour plusieurs entreprises qui se focalisent sur cette région. Idem pour les cabinets de consulting et de formation et le business médical à Tunis.
L’exercice diplomatique est très délicat. Pour rappel, la Tunisie a rarement, pour ne pas dire jamais, eu de tels incidents et reçu cette pression. Il faut de l’artillerie lourde et, surtout, un appui régional pour déverrouiller ce blocus.