Le 7 mars 2016, l’Organisation terroriste ‘Daech’ envoya un groupe de ses affiliés à Benguerdane dans l’objectif d’y créer un mini-émirat islamique; un premier pas vers son extension sur tout le territoire. La réaction de l’armée tunisienne et de la population fut foudroyante. En quelques heures, les assaillants furent massacrés et le rêve de leurs chefs à l’extérieur et à l’intérieur du pays se transforma en cauchemar.
Ce 7 mars restera dans l’histoire comme la journée où l’islam politique encaissa un coup fatal dont il ne se relèvera jamais. Comme la journée où Daech et l’islam politique en général prirent acte, la mort dans l’âme, que le peuple tunisien est immunisé contre leur idéologie terroriste. Qu’il leur est impossible de le faire couler dans le moule de l’obscurantisme violent. L’attaque menée contre la ville de Benguerdane fut donc la première et dernière tentative d’imposer par la violence un État islamique en Tunisie.
Il faut dire que la violence n’a pas cessé depuis que les islamistes s’emparèrent du pouvoir à l’issue des élections du 23 octobre 2011. L’occasion dont rêvaient tous les ennemis locaux et étrangers du bourguibisme arriva. Et l’on commença à ‘’débourguibiser’’, si l’on peut dire, le pays. En mettant en avant le mot d’ordre fallacieux de « réconcilier la Tunisie avec son identité islamique ».
Pour ceux qui étaient pressés de débarrasser la Tunisie de son héritage bourguibiste et d’y dupliquer le modèle afghan, Rached Ghannouchi, dans une fameuse vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, conseillait la patience, car « la police et l’armée ne sont pas encore acquises ».
Entre-temps, ceux qui rappelaient au gourou sa jeunesse se déchainaient contre les forces de sécurité dont les morts se comptaient en dizaines. Mais aussi contre les touristes étrangers au musée du Bardo et sur les plages de Sousse avec l’objectif de détruire l’un des principaux piliers de l’économie tunisienne. Et encore contre la Garde présidentielle à quelques dizaines de mètres du ministère de l’Intérieur; ainsi que contre les soldats et les simples citoyens dans les montagnes du nord-ouest et du centre-ouest du pays…
A la violence perpétrée par ceux qui rappelaient à Ghannouchi sa jeunesse, s’ajoutait celle qu’ordonnaient ceux qui s’étaient installés au pouvoir, c’est-à-dire quand Hammadi Jebali était chef du gouvernement et Ali Laarayedh ministre de l’Intérieur. Nous avons eu droit alors à la répression féroce du 9 avril 2012 par les forces de l’ordre et des milices d’Ennahdha. De même qu’à l’attaque violente de la Centrale syndicale menée par ces mêmes milices le 4 décembre 2012; à la prise d’assaut de l’ambassade américaine; aux tirs à la chevrotine contre la population de Siliana dont de nombreux jeunes ont perdu la vu ; à la protection d’Abou Iyadh, le terroriste le plus dangereux du pays, alors que la Mosquée d’El Fath où il se trouvait était encerclée par les forces de l’ordre…
Cela dit, les actes terroristes qui ont eu le plus d’impact sur la scène politique et sur l’opinion sont les assassinats de Chokri Belaïd et de Mohammed Brahmi les 6 février et 25 juillet 2013. Paradoxalement, bien que tous les Tunisiens sachent qui se trouve derrières ces assassinats, aucune conclusion judiciaire n’a pu être tirée dix ans après les drames.
C’est que ceux qui étaient au pouvoir entre le 23 octobre 2011 et le 24 juillet 2021 ont tout fait pour enterrer les dossiers. Et ils ont réussi à le faire pendant plus de dix ans. Mais plus ils s’acharnaient à cacher la vérité, plus ils alimentaient les soupçons qui pesaient sur eux.
Car, et c’est le raisonnement logique de toute personne sensée, ou bien les chefs islamistes étaient innocents, auquel cas ils auraient intérêt à ce que la vérité éclate et auraient donc agi en conséquence. Ou bien ils étaient coupables, auquel cas ils n’avaient d’autre choix que d’entasser les obstacles sur le chemin de la vérité.
La même attitude était adoptée vis-à-vis des innombrables autres crimes dont sont accusés les chefs islamistes. De l’appareil sécuritaire secret, à l’enrôlement de milliers de jeunes dans les réseaux terroristes et leur envoi en Syrie, en Libye et ailleurs, en passant par le pillage organisé des ressources de l’État. Les dossiers s’accumulent dans les bureaux des enquêteurs judiciaires.
Ayant perdu le pouvoir, les responsables du terrorisme sanglant et de l’effondrement économique et social du pays sont inquiets. L’inquiétude devient panique quand d’importants chefs islamistes sont arrêtés. Que faire dans ces conditions sinon s’accrocher au « Front de Salut » et manipuler son « chef »Ahmed Néjib Chebbi, ce rescapé de la politique au bout du rouleau?
Ahmed Néjib Chebbi et Rached Ghannouchi sont à bout de souffle, mais la Tunisie n’est pas au bout de ses peines. Voilà que l’UGTT, après avoir contribué à l’effondrement économique du pays par les milliers de grèves sauvages et illégales, semble avancer vers une alliance avec ceux-là même qui ont tenté de l’apprivoiser par la violence en ce 4 décembre 2012…
Le dernier discours de son chef est troublant. En traitant de « militants » et en exigeant indistinctement la libération des prisonniers parmi lesquels se trouvent Ali Laarayedh, Noureddine Bhiri, Abdelhamid Jelassi, Habib Ellouze, Sadok Chourou et autres responsables de la décennie noire, le chef de la Centrale syndicale a choqué une large partie de l’opinion. Il a infligé une peine douloureuse aux familles et amis de Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi. Une peine exprimée avec tristesse et colère par la veuve de ce dernier, Mbarka Aouinia.
La question à laquelle tout le monde attend impatiemment une réponse est la suivante : tous les cadres de l’UGTT sont-ils d’accord avec la nouvelle orientation de leur institution et cautionnent-ils le dernier discours de Noureddine Taboubi?