25 jours après les premières arrestations et les points d’interrogations qu’elles ont engendrés, que d’eau a coulé sous les ponts et que d’événements sont survenus à une vitesse vertigineuse. A donner le tournis aux observateurs les plus rompus aux bouleversements les plus inattendus.
Les derniers dossiers révélés seraient les plus graves pour la suite de l’actualité. Sachant qu’à chaque fois qu’on se croit au bout de nos peines, que nenni. Puisque tout évolue dans un tourbillon d’événements qui s’enchainent.
Des propos jugés « racistes » et malvenus
En effet, constatons qu’après l’insistance sur les principes de respect de la souveraineté nationale- ce qui est du reste un fait qu’aucun citoyen tunisien, digne de ce statut, ne peut contester- le Chef de l’Etat semble en avoir poussé trop loin l’exploitation, avec l’affaire du séjour illégal des Africains subsahariens chez nous.
Dans la foulée de sa dénonciation du « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat avec la constitution d’un groupe œuvrant au changement de la nature du régime au pouvoir », le Président de la République a saisi l’occasion de présider une réunion du Conseil de sécurité nationale. Ainsi, le 21 février dernier, il y a dénoncé l’arrivée de « hordes de migrants clandestins », dont la présence en Tunisie est, selon lui, source de « violences, de crimes et d’actes inacceptables ».
Un plan criminel pour « changer la composition démographique de la Tunisie»
Le Chef de l’Etat a indiqué que cette immigration clandestine relevait d’un « plan criminel ourdi à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». Et ce, afin de la transformer en un pays « africain seulement » et anéantir son caractère « arabo-musulman ».
Plus encore, le Président de la République a appelé les autorités à agir « à tous les niveaux, diplomatiques et sécuritaires » pour faire face à cette immigration. Ainsi qu’à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières », selon le communiqué de la présidence.
Après des agressions verbales racistes sur les réseaux sociaux et des menaces d’expulsion, la situation devint invivable pour les migrants subsahariens présents en Tunisie. Obligeant des centaines de migrants africains, dont notamment des Guinéens et des Maliens, a être rapatriés chez eux.
Des mesures apaisantes, mais seront-elles suffisantes?
De son côté, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) affirme que des « migrants ont été arrêtés à la suite d’un contrôle d’identité au faciès, ou même à la suite de leur présence devant les tribunaux en soutien à leurs proches ». Et ce, avant que le Chef de l’État n’intervienne, avec l’annonce de bon nombre de mesures qualifiées de positives en la matière.
Kaïs Saïed a pris effectivement, pas plus tard que dimanche dernier, des mesures en faveur des étudiants et migrants originaires d’Afrique subsaharienne et ce avec le ministère des Affaires étrangères, pour améliorer la situation des étrangers en Tunisie et faciliter les procédures » de régularisation de leur situation.
A cet égard, les autorités ont, d’abord, décidé « de délivrer des cartes de séjour d’un an aux étudiants ressortissants de pays frères africains pour faciliter leur séjour et leur permettre de renouveler périodiquement leurs documents ».
La Tunisie a décidé, également, de « prolonger les attestations de séjour de trois à six mois », pour des personnes venant de nombreux pays subsahariens comme la Côte d’Ivoire qui bénéficient d’une exemption de visa de trois mois à l’entrée en Tunisie.
D’autre part, les candidats au retour volontaire seront « exemptés » des pénalités s’élevant à 80 dinars par mois (25 euros), dépassant pour certains les 1 000 euros. Les autorités ont promis aussi de renforcer l’accompagnement et l’assistance sanitaire et sociale aux migrants par l’intermédiaire du Croissant-Rouge ».
Le coup de massue de la Banque mondiale…
Toutefois, cerise sur le gâteau en ce soir du lundi 6 mars 2023… un communiqué de la Banque mondiale est tombé tel un couperet :
« Les discussions sur le cadre de partenariat de la Banque mondiale avec la Tunisie, définissant les orientations stratégiques des engagements opérationnels à moyen terme (2023-2027), ont été temporairement suspendues par la direction de la BM, sur fond des récents évènements concernant les migrants subsahariens. Le dialogue et l’engagement avec les autorités tunisiennes sont maintenus », indique un communiqué de l’institution financière internationale
Sachant que le président du Groupe de la Banque mondiale a adressé une note interne au personnel au sujet des récents événements en Tunisie, « qui préoccupent profondément le Groupe de la Banque mondiale et son personnel. La sécurité et l’inclusion des migrants ainsi que des minorités font partie des valeurs fondamentales portées par l’institution, à savoir l’inclusion, le respect et l’antiracisme sous toutes ses formes. La direction du Groupe de la Banque mondiale a également pris note des mesures positives prises par le gouvernement tunisien pour apaiser la situation ».
Les observateurs sont persuadés, d’ores et déjà, que la décision de la Banque mondiale d’arrêter de travailler avec la Tunisie est tout simplement très grave…
Le geste des joueurs sénégalais à la CAN U 20
Un autre fait est venu marquer la célébration par les joueurs sénégalais de leur victoire contre la Tunisie à l’issue du match de la demi-finale de la CAN (U20) joué en ce lundi en Égypte et remporté par les jeunes Sénégalais sur le score net de trois buts à zéro, en faisant un geste lourd de sens.
Des joueurs ayant montré leur peau pour rappeler leur fierté d’être noirs passant, ainsi, un message fort et significatif à la suite de la vague de racisme visant les Subsahariens en Tunisie. Ce qui constitue un autre indice de la gravité de la situation…
En tout état de cause, la situation semble être suffisamment grave, surtout si l’on sait que les propos du Président de la République ont fait des vagues, notamment chez les responsables et les sympathisants du Parti national qui diffusent des propos haineux et racistes sur leurs pages Facebook intolérables.