Depuis la fin de 2021, l’Algérie s’est dotée d’un arsenal juridique très sévère contre les spéculateurs et les contrebandiers. Notamment en ce qui concerne les produits de base subventionnés par l’Etat. Mais si ce trafic juteux de contrebande plombe les caisses de compensation de nos voisins algériens, la Tunisie est également impactée dans son cheptel bovin.
Frapper fort pour donner l’exemple. Tel semble être le crédo du gouvernement algérien qui, sous l’impulsion du président Abdelmadjid Tebboune, mène depuis l’automne dernier une guerre « sans merci » aux spéculateurs et aux contrebandiers très actifs sur les frontières algériennes longues de 6343 kilomètres. Limitées à l’ouest par le Maroc et le Sahara occidental, au sud par la Mauritanie et le Mali, au sud-est par le Niger et à l’est par la Tunisie et la Libye. C’est dire l’ardeur de la tâche.
Des sanctions exemplaires
Alger lance ainsi un message clair aux contrevenants. Avec à la clé des sanctions exemplaires contre « ceux qui volent le pain du peuple », allant des condamnations de lourdes peines de prison jusqu’à la perpétuité.
Pour rappel, l’actuel Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, un homme à poigne, avait durci l’arsenal juridique contre les spéculateurs en adoptant fin décembre 2021, une loi d’une sévérité extrême pour réprimer la spéculation. Et notamment sur les produits alimentaires de base, à l’instar de la farine, de la semoule et de l’huile de table. Soit des produits subventionnés par l’Etat.
Sachant que cette loi relative à la lutte contre la spéculation illicite, prévoit des peines d’emprisonnement allant de trois à 30 ans de prison et des amendes financières pouvant atteindre 2 millions de dinars algériens (environ 13 843 Euro. NDLR).
Par spéculation illicite, le texte de la loi promulguée fin 2021 désigne « tout stockage ou rétention de biens ou marchandises visant à provoquer une pénurie ou une perturbation des approvisionnements au niveau du marché et toute hausse ou diminution artificielle des prix des biens ou marchandises ».
A noter que la peine d’emprisonnement de dix à 20 ans et l’amende de deux à 10 millions de DA sont prévues pour la spéculation sur les céréales et leurs dérivés, les légumes secs, le lait, les légumes, les fruits, l’huile, le sucre, le café, les carburants et les produits pharmaceutiques.
Réclusion à perpétuité
Or, il s’est avéré qu’à l’approche du mois de Ramadan, propice comme dans tous les pays arabo-musulmans à la consommation effrénée et où, par magie, les prix montent en flèche par le jeu perfide de la spéculation, ces sanctions particulièrement sévères ne sont pas demeurées lettre morte.
Ainsi, dans une affaire de spéculation et de contrebande de produits alimentaires de base, le tribunal criminel auprès de la Cour d’Alger a prononcé le 7 mars la réclusion à perpétuité à l’encontre des trois prévenus après qu’ils ont été reconnus coupables « du crime de spéculation illégale dans le cadre d’un groupe criminel organisé, et de contrebande avec un degré de dangerosité pour l’économie nationale ».
Pour une autre affaire concernant la contrebande à travers les frontières terrestres de denrées alimentaires de base, le même tribunal a également infligé une peine de sept ans de prison à deux prévenus pour le même chef d’accusation.
Pour rappel, au cours de la semaine dernière, la main de la justice avait également été lourde : le tribunal d’Es-senia à Oran a prononcé des peines de huit à dix ans de prison ferme contre quatre personnes qui ont été reconnues coupables « suite à leur participation à des activités illégales de spéculation sur des produits alimentaires de large consommation ».
Business florissant
Il convient de rappeler dans ce contexte de lutte acharnée du pouvoir algérien contre la spéculation et la contrebande que neuf personnes, sept Tunisiens et deux Algériens, ont été condamnés en février dernier à 10 ans de prison pour avoir été accusés de contrebande de produits alimentaires subventionnés, une peine réduite par la justice algérienne à cinq ans de prison. A noter que ces denrées très recherchées par les contrebandiers à cause de leurs prix très bas en Algérie, sont vendues illégalement à prix d’or dans les pays voisins.
C’est donc un business florissant qui met plein les poches aux contrebandiers des deux côtés de la frontière mais qui a un coût exorbitant pour l’Algérie. Sachant que les subventions aux produits alimentaires de base se sont élevées à 17 milliards de dollars en 2022. C’est dire le poids de l’hémorragie pour les caisses de l’Etat algérien.
Le cheptel tunisien de bovins décimé
Mais, l’Algérie voisine n’est pas la seule perdante dans ce trafic illégal le long de 1010 kilomètres de frontière qui séparent la Tunisie de l’Algérie.
En effet, déjà, l’année précédente, les autorités tunisiennes ont noté une explosion de la contrebande de vaches laitières vers l’Algérie : les bovins tunisiens sont achetés à bas-prix pour être revendus 15 fois plus chers de l’autre côté de la frontière. Conséquences, selon les chiffres de l’Office de l’élevage et des pâturages (OEP), le cheptel tunisien est passé l’année derrière de 460 à 410 000 têtes. Flambée de prix des fourrages, +56 % depuis l’invasion de l’Ukraine, oblige.