‘’Je fais un rêve qu’un jour, les petits enfants noirs et les petits enfants blancs joindront leurs mains comme frères et sœurs’’ (Martin Luther King)
Le Président Kaïs Saïed a déclaré, le 21 février, que la présence de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Ce discours mal interprété fut condamné par des ONG comme « raciste et haineux ». On assista, dans ce contexte, à de nombreuses agressions contre des ressortissants d’Afrique subsaharienne. Certains des locataires renvoyèrent des habitants noirs. D’autres arrêtèrent de leur fournir du travail. Des étudiants subsahariens ont dû quitter les universités tunisiennes où ils étaient inscrits. D’autres firent appel à leurs ambassades pour les rapatrier.
Une campagne de presse en Europe condamna cette dérive. Exemple éloquent, l’éditorial du journal Le Monde du 4 mars 2023 : « Il est bien loin, le temps où la Tunisie inspirait hors de ses frontières respect et admiration. Chaque semaine qui passe entache un peu plus l’image de ce pays qui brilla jadis d’une flamme singulière dans le monde arabo-musulman. Que reste-t-il du prestige que lui conférait son statut d’avant-garde en matière de libertés publiques, de pluralisme politique, de droits des femmes et de respect des minorités ? Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs à la faveur d’un coup de force en juillet 2021, lui impose désormais un tournant répressif, conservateur et xénophobe des plus préoccupants. La Tunisie en devient méconnaissable ».
Exagération
Ces jugements sont bien exagérés : la Tunisie a été l’un des premiers Etats à libérer les esclaves, dès 1846. Le leader Habib Bourguiba a œuvré activement pour la libération des colonies africaines et a été solidaire du mouvement d’émancipation de l’Afrique du Sud du régime de l’apartheid. ‘ »Le pays de Bourguiba ne peut être raciste », déclara, le 8 mars, le président de Guinée-Bissau, en visite en Tunisie. La solidarité africaine de la Tunisie et son attachement à la francophonie ne peuvent s’accommoder de la dérive raciste. D’ailleurs, la Tunisie ne tarda pas à se ressaisir : le Président a rejeté l’interprétation raciste de son discours.
D’autre part, l’élite tunisienne s’empressa de corriger le tir. Citons comme exemple le communiqué du Conseil de l’Université de Tunis El Manar tenu le 1er mars 2023 : ‘ »Nous, membres du Conseil de l’Université Tunis El Manar, réunis le mercredi 1er mars 2023, exprimons notre rejet des pratiques et dépassements à caractère raciste, et affirmons notre adhésion aux principes de coexistence pacifique, en combattant toutes les formes de discrimination, rejetant la haine et le racisme ».