En couverture du numéro de janvier dernier, c’est le visage de la Tunisie qui gagne, ouverte, positive, qui rayonne dans le monde. Dans un autre registre, des artistes et des scientifiques tunisiens connaissent des carrières remarquables à l’international. Des parcours individuels qui contribuent à enrichir l’image de la Tunisie elle-même, petit pays au regard de ses dimensions et de son poids géopolitique, mais qui depuis la révolution avait réussi à se construire une image d’exception. Une image qui n’a cessé de se dégrader jusqu’à cette ultime séquence diplomatique et médiatique, où la Tunisie s’est vue associée au racisme. Une catastrophe pour le soft power de la Tunisie.
L’essentiel de la puissance internationale d’un pays se résumait traditionnellement à la capacité à mobiliser ses ressources matérielles, en général, et sa force armée, en particulier. Or, la puissance ne se réduit pas à l’exercice de la force (militaire, économique ou autre). La sociologie des relations internationales invite ainsi à inclure dans la notion de puissance des éléments de perception : l’image de la puissance d’un État contribue à une dimension psychologique de la puissance. La notion de soft power traduit ainsi l’idée de pouvoir atteindre ses objectifs, sans recours à la force. A « structurer une situation de telle sorte que les autres pays fassent des choix ou définissent des intérêts qui s’accordent avec les siens propres ». En tant que pratique internationale, le soft power inclut divers types de stratégies d’influence, dont la séduction et l’attractivité.
Les principaux vecteurs ou moyens non coercitifs (menace ou emploi de la force) de la force d’attraction, de séduction, d’influence et de persuasion constitutive du soft power théorisé par J. Nye, sont : la culture, l’idéologie, la diplomatie, les alliances, la coopération institutionnelle ou non, l’aide économique, l’attractivité de la culture, le rayonnement d’un modèle politico-économique (économie de marché et démocratie par exemple) et le système de valeurs qu’il charrie.
Or c’est tout le capital symbolique accaparé par la Tunisie depuis 2011, qui est dilapidé aux yeux du monde. L’opinion publique internationale étant spectatrice d’une dérive de l’Etat et du discours sur le phénomène migratoire.
Une image déclinante
En dépit des échecs économiques, sociaux et politiques, la Tunisie était encore associée à la force du symbole du soulèvement populaire et progressiste, d’une expérience démocratique unique en son genre dans le monde arabe, portée par un appel universel à la dignité. Une aventure dont l’issue démocratique n’était pas acquise; mais dont l’existence même a nourri un rayonnement mondial inversement proportionnel à la taille du pays. Un statut d’exception consacré par un Prix Nobel de la Paix en 2015. Or aujourd’hui, la poursuite de cette expérience politique est clairement en jeu. La vitrine démocratique du monde arabe se brise sous le poids d’un populisme présidentiel taxé désormais de racisme.
Une régression qui est de nature non seulement à isoler la Tunisie sur la scène politique africaine, mais aussi à refroidir des investisseurs publics et privés qui s’interrogent sur l’avenir du pays. Car le soft power, c’est aussi la capacité à attirer les investisseurs et à convaincre les bailleurs internationaux de soutenir le pays.
Or, incontestablement, les dernières évolutions politiques et autres déclarations présidentielles ont braqué la Banque mondiale et le FMI. Ce à quelques jours d’échéances cruciales pour le pays. D’un côté, alors que le conseil d’administration de la Banque mondiale était appelé à examiner sa nouvelle stratégie de coopération avec la Tunisie pour la période 2023-2027, la réunion a été reportée; après la décision de la Banque mondiale de suspendre ses travaux en Tunisie. De l’autre, le FMI a également exprimé sa préoccupation suite aux récents développements…
Pour éviter l’isolement international, il revient aux responsables politiques comme aux citoyens d’écrire la suite de l’histoire, souverainement, dignement, raisonnablement.