En Tunisie, la dérive du climat a eu un impact direct sur le secteur de l’eau.
La Tunisie fait partie des pays présentant un taux de stress hydrique « élevé ». Sur les sept dernières années, elle a vécu six années de déficit au niveau des apports pluviométriques. Ces années ont été marquées par une baisse des précipitations et par conséquent une baisse des apports aux barrages accompagnée d’une baisse de la production dans le secteur agricole. Au 09 mars 2023, le déficit en ressources conventionnelles dans les barrages s’établit à 386 millions de m³. A cela s’ajoute une grande perturbation du cycle de l’eau et les impacts de la température qui a provoqué une augmentation de l’évaporation et de l’évapotranspiration et une augmentation de la demande en eau, l’assèchement et de la dégradation des sols, la réduction des rendements agricoles et une forte dépendance de l’extérieur
« Sur les sept dernières années, la Tunisie a vécu six années de déficit au niveau des apports pluviométriques »
Une étude sur le stress hydrique et l’impact sur l’économie élaborée dans le cadre du Business National Agenda (NBA) a recommandé la nécessité d’investir dans le secteur de l’eau. Il ressort des résultats de l’étude qu’il y a des possibilités de valorisation dans l’agriculture. En effet, des choix stratégiques sont à mettre en place pour préserver le capital, sécuriser un niveau de production et investir davantage dans l’agriculture.
Présentée par Mokhatr Kouki à l’occasion de la tenue de la 7ème édition du Tunisia Economic Forum organisée par l’IACE le 10 mars 2023, la même étude a montré que le contexte actuel est marqué par une situation critique en disponibilité en eau, une intensification des sécheresses, une compétition entre les secteurs, une difficulté à satisfaire les besoins des différents secteurs, une baisse de production et une forte dépendance de l’extérieur notamment en matière de la production du blé tendre et l’orge et un risque de perte de capital de l’agriculture pluviale. Selon l’étude, le taux de dépendance vis-à-vis à l’extérieur en blé et en orge est estimé 95%.
Annoncer l’état d’alerte
« Nous voulons être plus concrets et plus proches de la réalité. Il est urgent à mener la réflexion sur la rareté des ressources notamment l’eau. Il est impératif de procéder à une gestion rationnelle. C’est un débat stratégique pour notre pays », souligne Taieb Bayahi, président de l’IACE à l’ouverture des travaux du Forum.
Hamadi Boubakri, membre du bureau exécutif de l’UTAP, chargé des ressources naturelles et développement durable, a souligné qu’il faut annoncer l’état d’alerte et de la sécheresse dans le pays et penser à la sécurité alimentaire du pays parce que les grandes cultures sont menacées de disparition.
Souassan Ben Nacer, Economiste principal à l’ITCEQ s’est interrogée sur le choix à faire pour le secteur agricole pour préserver les ressources en eau. Elle a, dans ce contexte, souligné l’urgence de mener des politiques d’adaptation du secteur de l’eau et le secteur agricole qui accapare 75% de l’exploitation des ressources en eau.
Elle a rappelé que des études ont montré l’importance de l’investissement dans des projets dans les ressources en eau. Toutefois, ces projets seront insuffisants si on n’investit pas dans les techniques d’irrigation et de la consommation des ménages.
Nécessité de se doter d’un nouveau cadre réglementaire
Abdel Rahman El Ouasli, Directeur au bureau de Planification et des Equilibres hydrauliques au ministère de l’Agriculture a appelé à la nécessité de changer le cadre de gouvernance. Et ce à travers les changements des pratiques et de se doter d’un nouveau cadre réglementaire dans le secteur de l’eau en Tunisie.
Le responsable a, à cette occasion, présenté les orientations 2050 dans ce domaine. Il s’agit notamment de stabiliser la demande, favoriser l’infiltration aux dépens de ruissellement, valoriser le maximum les eaux usées traitées et des eaux pluviales, assurer le recouvrement des frais de fonctionnement, mettre en place une stratégie nationale de communication et renforcer la coordination des initiatives de rapprochement recherche-vulgarisation.