Nous savons désormais qu’avant même la tenue de la plénière inaugurale de l’ARP, un certain nombre de députés, selon les confidences de la députée Fatma Mseddi, exprima le vœu d’autoriser la seule présence des médias publics pour couvrir cet événement. Soit, mais qui a mis en exécution cette initiative controversée et de quel droit? Là réside le fond de cette affaire qui aura écorné l’image de notre pays.
N’est-il pas triste de constater, aux alentours du palais du Bardo, le spectacle des journalistes tunisiens et des correspondants de la presse internationale interdits de couvrir la plénière inaugurale de l’Assemblée des représentants du peuple? Abstraction faite de la TAP et de la Télévision et la radio nationales, qui ont volé la vedette à l’événement même, à savoir la réouverture de l’hémicycle après plus qu’un an et demi d’hibernation forcée?
Encore une image négative d’un pays en rapport avec la liberté de la presse, un pilier de la démocratie, que nous exhibons devant le monde. A qui la faute?
Indignation
« Ce qui s’est passé a porté atteinte à l’image de la Tunisie et risque de semer la discorde entre les journalistes », s’est indignée Amira Ahmed, la vice-présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). Elle s’exprimait ainsi lors d’une conférence de presse tenue mardi 14 mars 2023 pour évoquer les incidents survenus lors de la plénière inaugurale de l’ARP. Et ce, suite à l’interdiction faite aux journalistes, à l’exception des médias « officiels », de couvrir l’évènement.
Elle a par ailleurs annoncé que le SNJT avait décidé « d’arrêter une liste de tous les députés ayant appelé à interdire l’accès aux journalistes à l’ARP, lors de la première plénière d’hier ». Ajoutant que le nouveau président du Parlement, Brahim Bouderbala a exprimé au SNJT « son rejet de cette pratique d’interdire l’accès à l’ARP aux journalistes ».
Alors, si le Bâtonnier Brahim Bouderbala s’en lavait les mains de cette « pratique » d’empêcher les médias de faire leur boulot, qui serait derrière cette malencontreuse décision? On ignore les raisons qui ont motivé cette décision. Mais nous savons par contre qu’elle a provoqué une crise inutile entre les journalistes et l’institution législative.
Embarras
En effet, l’on découvre « qu’un certain nombre de députés ont décidé d’autoriser la seule présence des médias publics pour couvrir la plénière d’ouverture du nouveau Parlement ». C’est ce qui ressort d’une déclaration accordée lundi 13 mars 2023 par la députée de la circonscription de Sfax, Fatma Mseddi à la TAP. En effet, cette dernière explique également dans la soirée du mardi 14 mars lors de son passage à l’émission Rendez-vous 9 sur Attassia, que la décision d’interdire aux médias locaux et aux correspondants des médias étrangers de couvrir la plénière a été prise par un certain nombre de députés, dont elle-même, lors d’une réunion avant la session. Et ce, « de peur de véhiculer une image négative du nouveau Parlement ». Une explication alambiquée qui n’a convaincu personne.
De quoi les nouveaux élus, dont la plus part foulent pour la première fois le sol du palais du Bardo ont-ils peur? De révéler au public les coulisses de l’amateurisme dans la préparation de la séance inaugurale? A moins qu’ils tiennent à effacer de notre mémoire collective le spectacle affligeant de la défunte Assemblée dissoute qui aura souvent pris l’allure d’un cirque où s’extirpaient les clowns, au demeurant pas toujours très gais.
Apparemment mal à l’aise et certainement excuser l’inexcusable, l’ancienne députée de Nidaa Tounes a souligné que la commission du règlement intérieur examinera le moyen de réglementer les relations entre le Parlement et les médias. De même que les relations avec les organisations de la société civile intéressées par les affaires parlementaires, telles que l’association Al Bawsala.
A prendre au mot
« La liberté d’information est un acquis majeur de la révolution de 2011 et les médias assument une grande responsabilité dans la défense de l’intérêt supérieur de la patrie ». C’est ce qu’indiquait le Bâtonnier Brahim Bouderbala, 70 ans, fraîchement élu au Perchoir, comme pour s’excuser de l’empêchement des médias indépendants d’assister à la cérémonie inaugurale.
« Nous ne voulons pas faire répandre une image obscène qui contribue à banaliser la vie parlementaire et politique », s’est-il justifié.
Cherchait-il à atténuer l’interdiction des médias à la première séance par « l’impératif du calme et de la tranquillité dans le cadre d’une séance inaugurale où la plupart des députés ne se connaissent pas » ? Comme si la présence des médiats indépendants allait perturber la sérénité de nos chers élus. Ou comme si leur rôle principal de la presse consistait à enregistrer le mouvement des trains qui arrivent à l’heure.
« Nous essaierons à l’avenir de consolider la relation avec les médias, sans aucune exception », promettait-il encore. A bon entendeur, salut !