Le Ministère des Finances vient de publier les résultats provisoires de l’exécution du Budget pour l’ensemble de l’exercice 2022. Que des chiffres à décortiquer, surtout par rapport à la Loi de Finances Rectificatives (LFR) 2022.
Au niveau des revenus, le Trésor a encaissé durant l’année 40 992,9 MTND, un record. Il s’agit d’une hausse de 22,2 % en glissement annuel, mais d’une légère baisse par rapport aux prévisions de la LFR 2022 qui tablaient sur des recettes de 41 130 MTND.
Recettes fiscales record, mais moins que prévu
Cet écart provient de la rubrique des recettes fiscales, qui se sont établies à 35 449,4 MTND, soit 590,6 MTND de moins que les estimations de la LFR 2022. L’impôt sur le revenu a permis des encaissements de 10 075,3 MTND (-258,7 MTND par rapport à la LFR 2022); contre 4 314,7 MTND pour l’impôt sur les sociétés (-352,3 MTND par rapport à la LFR 2022). La tendance a été menée aussi bien par les sociétés pétrolières (1 414,3 MTND encaissés contre 1 667 MTND estimés) que non pétrolières (2 900,3 MTND engrangés contre 3 000 MTND prévus).
En revanche, les objectifs en matière d’impôts indirects ont été dépassés, avec des recettes de 21 059,4 MTND. La TVA reste la principale source de revenus pour l’Etat, totalisant 10 174,0 MTND. Les droits de consommation et les droits de douane ont, respectivement, drainé 3 604 MTND et 1 784,2 MTND.
Globalement, le taux de la pression fiscale s’est établi à 24,5 %, une hausse de 10 points de base par rapport aux prévisions. Toutefois, hors pétrole, ce taux passe à 23,5 % contre 23,8 % estimés.
A noter que le mois de décembre a affiché la meilleure recette fiscale de l’année, avec 3 773,3 MTND. La pire collecte était de 2 591,7 MTND, enregistrée au mois de février.
Objectif dépassé pour les recettes non fiscales
Cela ne tient pas compte des recettes non fiscales qui ont totalisé 4 165,5 MTND contre des prévisions de 3 975 MTND. Les redevances du Gazoduc algérien ont atteint 1 828,7 MTND (1 527 MTND attendus), et les revenus des participations étaient de 624,9 MTND (535 MTND estimés). La commercialisation des carburants a rapporté 922 MTND.
Ce qui caractérise ces revenus, c’est qu’ils sont collectés durant les deux derniers mois de l’année. En novembre et décembre 2022, un total de 2 601 MTND a été encaissé, soit 62,4 % du montant global.
Ainsi, et contrairement à ce que plusieurs présumaient que l’Etat avait des difficultés pour clôturer l’année 2022, les chiffres disent le contraire. Les revenus propres du seul mois de décembre étaient de 5 131 MTND. Ce n’est pas nouveau. En 2021, ce chiffre était de 4 815,8 MTND.
Dépenses légèrement maitrisées
Ces revenus, bien qu’ils soient importants, n’étaient pas suffisants pour couvrir les dépenses totales de 50 548,1 MTND. Par rapport à la LFR 2022, c’est une réduction des charges de 365,9 MTND.
Le gain provient essentiellement des dépenses d’interventions et de transfert qui étaient de 17 931,4 MTND, soit 776,1 MTND de moins que prévu. Ce poste englobe la compensation qui a absorbé 11 999 MTND, dont 3 771 MTND pour les produits de base, 7 628 MTND pour les carburants et 600 MTND pour les sociétés de transport.
Le poste des rémunérations reste le plus lourd, à 21 125,2 MTND, une hausse de 4,7 % par rapport à 2021. Toutefois, c’est également plus faible que prévu, l’Etat économisant 427,5 MTND.
Cela a permis de créer une niche supplémentaire pour l’investissement public, à 4 543,7 MTND, soit 976,4 MTND supplémentaires par rapport aux prévisions. C’est même plus que la LF initiale, qui envisageait d’investir 4 183,2 MTND.
Les difficultés de mobilisation de dettes extérieures confirmées
Cela nous donne un solde budgétaire (hors privatisations, dons et revenus de confiscation) de -10 978,2 MTND, l’équivalent de 7,6 % du PIB. La LFR 2022 s’attendait à un trou plus large de 11 099 MTND et 7,7 % du PIB.
Pour le couvrir, et pour pouvoir rembourser les échéances de dettes souveraines (14 440,6 MTND), le Trésor a dû emprunter 18 156,5 MTND.
Le marché interne a mobilisé 10 502,6 MTND, dépassant les estimations de la LFR 2022 de 1 224,6 MTND. Cependant, sur les 11 916 MTND de dettes extérieures attendues, seuls 7 683,9 MTND ont pu être encaissés. C’est surtout l’appui espéré de l’Arabie saoudite (3 210 MTND) et du FMI (679 MTND) qui a manqué.
En net, l’endettement a augmenté de 9 555,2 MTND, ce qui nous donne une dette publique de 114 791,1 MTND fin décembre 2022 (115 959 MTND estimés dans la LFR 2022). La part de la dette externe s’élève à 57,9 % (66 517,7 MTND), celle de la dette interne à 42,1 % (48 273,4 MTND). Elle continue à être principalement labélisée en euro (59,8 %), contre 25 % en dollar américain et 8,2 % en yen.
Malgré toutes les difficultés, l’exercice budgétaire a été clôturé avec le moins de dégâts possible. C’est un point positif à mettre à l’actif de ce gouvernement. Toutefois, il faut toujours se rappeler qu’il y a un long travail à réaliser. Les dépenses ont été maîtrisées au détriment de l’investissement interne, du report du remboursement de certains fournisseurs et de la non-application de quelques conventions signées avec les partenaires sociaux. Régulariser tout aurait porter le déficit à deux chiffres. Il faudra travailler pour dégager plus de ressources non fiscales afin de pouvoir respecter tous ses engagements.