Au cours de la dernière décennie, les marchés émergents (ME) ont été synonymes de dynamisme économique, d’opportunités et de croissance.
En effet, les économies des marchés émergents ont surpassé la plupart des autres pays en termes d’expansion du PIB et d’autres indicateurs d’activité jusqu’au début de l’année 2020. Toutefois, ce tableau vieux de plusieurs décennies a changé de manière significative avec le retournement de situation provoqué par la pandémie de Covid-19. Après le choc causé par la propagation mondiale du Covid-19, les pays émergents ont souffert d’une croissance inférieure à la moyenne et de performances médiocres par rapport aux économies avancées. Les principales raisons en sont les taux de vaccination initialement faibles, les contraintes de la chaîne d’approvisionnement et des politiques monétaires et fiscales moins accommodantes. Le ralentissement important de la croissance en Chine a également aggravé les vents contraires macroéconomiques des pays émergents.
Écart de croissance entre les économies émergentes et les économies avancées
(différence en points de base)
Sources: IMF, analyse QNB
Selon les estimations, l’écart de croissance entre les pays émergents et les économies avancées s’est réduit en 2021 et 2022, ce qui est nettement inférieur aux normes historiques (voir le graphique). Cela signifie qu’en moyenne, au cours des deux dernières années, les pays émergents n’ont progressé que d’environ 1,3 % et 1,42 % plus vite que les économies avancées. Cela contraste fortement avec la surperformance habituelle de 2,88 %. Le resserrement des écarts de croissance indique un ralentissement du rattrapage ou de la convergence de la croissance vers des niveaux plus élevés de production, de productivité et de niveau de vie que l’on trouve au niveau des économies avancées.
Nous pensons toutefois que la période de sous-performance des pays émergents est sur le point de s’achever, avec une accélération de la croissance à 4,2 % cette année, contre 3,7 % en 2022, alors que les économies avancées devraient ralentir à 0,9 %, contre 2,6 % au cours de la même période. Cela soutiendrait un différentiel de croissance de 330 points de base en faveur des pays émergents par rapport aux économies avancées, soit 42 points de base de plus que la moyenne à long terme.
Croissance du PIB prévue pour 2023
(a/a, %, et différence en points de base)
Sources: analyse QNB
Deux facteurs principaux expliquent le retour probable de la surperformance des pays émergents en 2023.
Tout d’abord, les fondamentaux macroéconomiques sont à nouveau plus solides au niveau de la plupart des économies émergentes que les économies avancées. Plusieurs économies avancées ont accumulé de graves déséquilibres en raison des mesures de relance excessives prises à la suite de la pandémie et de la guerre russo-ukrainienne, en raison de pressions ascendantes visant à protéger les revenus des ménages et des entreprises contre d’importants chocs négatifs. En revanche, la plupart des pays émergents disposaient d’une marge de manœuvre politique plus réduite et se sont montrés plus disciplinés dans leur adaptation aux conditions économiques, réagissant instantanément à l’inflation galopante et la maîtrisant avant que leurs économies ne connaissent un engouement important. En conséquence, les pays émergents subissent aujourd’hui moins de pressions quant au resserrement de leur politique et leurs économies se sont déjà largement adaptées à une conjoncture mondiale moins favorable.
En second lieu, le ralentissement de l’économie chinoise a été un facteur particulièrement négatif pour les pays émergents en 2022. Cela est dû à la fois à la taille relative de l’économie chinoise dans l’univers des pays émergents et à ses liens commerciaux et financiers directs et indirects avec les autres pays émergents. L’économie chinoise représente environ un tiers du PIB total des pays émergents. En outre, la croissance chinoise a un effet amplificateur important, qui se répercute souvent sur les pays émergents d’Asie et les exportateurs de produits de base des pays émergents. Ainsi, le ralentissement de la croissance en Chine l’année dernière, précipité par les politiques de « Covid zéro » et les effets décalés d’un resserrement significatif des politiques monétaires, fiscales et réglementaires en 2021, a indirectement affecté la performance économique des pays émergents. La croissance du PIB chinois est passée de plus de 8 % en 2021 à 3,2 % l’année dernière. Cependant, en 2023, la Chine devrait donner un coup de pouce aux pays émergents, étant donné que son économie devrait se réouvrirtotalement après les politiques d’austérité et les autorités continueront à prendre des mesures de relance budgétaire et monétaire. Cela favorisera une accélération significative de la croissance chinoise, qui atteindra un taux plus normal de 5,5 %.
Finalement, malgré le contexte macroéconomique généralement positif des pays émergents, les conditions mondiales sont particulièrement favorables aux exportateurs nets de matières premières qui affichent des excédents de la balance courante, tels que les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). En effet, ces pays profitent du niveau élevé des prix des matières premières, qui soutiennent à la fois les recettes extérieures et les recettes publiques. Cette situation est d’autant plus bénéfique dans une période où les liquidités internationales se resserrent et où les coûts d’emprunt sont élevés, car elle permet de poursuivre les dépenses, les investissements et la croissance. En revanche, les conditions sont moins favorables pour les importateurs nets de produits de base, en particulier s’ils présentent des déficits des comptes courants et s’ils doivent compter sur un financement extérieur constant pour maintenir un certain niveau de consommation et d’investissement.
Dans l’ensemble, les causes de la sous-performance relative des pays émergents au cours des dernières années ne peuvent que se dissimuler. Les fondamentaux de la plupart des pays émergents sont actuellement meilleurs que ceux des économies avancées et la reprise économique chinoise devrait soutenir des taux de croissance plus élevés au niveaudes pays émergents. Les exportateurs nets de matières premières qui enregistrent des excédents de leur balance courante sont particulièrement bien placés pour tirer parti d’un environnement plus positif.
D’après communiqué