Dans le cadre d’un mariage arrangé d’une valeur de 3 milliards de francs suisses, l’UBS a accepté de racheter le Crédit Suisse, son concurrent en difficulté. L’accord ne semble pas avoir apaisé les inquiétudes concernant les risques systémiques pour les marchés.
Ce que plusieurs ignorent, c’est que la chute des cours des actions de la prestigieuse banque suisse n’a pas commencé la semaine dernière, mais bien avant. L’établissement a connu des années difficiles de lourdes pertes et de scandales coûteux. L’effondrement de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank aux Etats-Unis, combiné au refus de l’actionnaire saoudien, la Saudi National Bank, de fournir de la liquidité ont accéléré l’histoire.
Le diable se cache dans les détails
Les autorités monétaires helvétiques sont donc intervenues. Objectif : apporter une stabilité et une sécurité durables aux clients et aux marchés financiers.
L’accord, à prix réduit, devrait créer un mastodonte bancaire avec plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs. Il prévoit également le soutien du gouvernement suisse, de l’autorité des marchés (FINMA) et de la Banque nationale suisse (BNS).
Cette dernière offrira une ligne de liquidité pouvant aller jusqu’à 100 milliards de francs suisses, assortie d’une garantie fédérale contre les défaillances.
Le gouvernement offrira une garantie contre les pertes allant jusqu’à 9 milliards de francs suisses, UBS prenant en charge les 5 premiers milliards de pertes potentielles.
Maintenant, les investisseurs pourraient s’attendre à des rendements plus élevés des actifs de la nouvelle entité UBS-Crédit Suisse, ainsi qu’à une consolidation accrue du secteur bancaire européen.
Mais des questions plus importantes subsistent quant à l’impact potentiel de l’opération sur le marché. Les avis les plus partagés parmi les opérateurs du marché soulignent que cette intervention musclée résout un problème spécifique au Crédit Suisse. Il n’est donc pas sûr que ce soit un coup d’arrêt suffisamment important pour stopper la dégradation du marché.
La grande majorité du système bancaire européen est robuste. Depuis la crise financière mondiale, les établissements du Vieux continent ont constitué de larges réserves de capital afin de pouvoir résister aux risques systémiques.
Toutefois, le prix annoncé de la transaction équivaut à 4 % de la valeur comptable de la banque et à 10 % de la valeur de marché du Crédit Suisse au début de l’année.
Cela suggère qu’une partie substantielle des 570 milliards de dollars d’actifs du Crédit Suisse pourrait être dépréciée ou perçue comme risquant de l’être. C’est donc un élément provoquant un regain d’inquiétude quant à la santé des banques.
Les détenteurs des obligations AT1 paient le prix
Par ailleurs, et dans le cadre de l’accord, la FINMA a annoncé l’effacement de 16 milliards de francs suisses d’obligations Additional Tier 1 (AT1) du Crédit Suisse. Ce qui est le signe d’un risque de contagion supplémentaire pour le crédit mondial.
En effet, ce type d’obligations a été introduit en Europe après la crise financière mondiale pour servir d’amortisseurs lorsque les banques commencent à faire faillite. Elles sont conçues pour imposer des pertes permanentes aux détenteurs d’obligations ou pour être converties en actions si les ratios de capital d’une banque tombent en dessous d’un niveau prédéterminé. Ce qui permet de soutenir son bilan et de lui permettre de poursuivre ses activités.
Le fait que la totalité de la tranche AT1 des obligations soit ramenée à zéro constitue une évolution inquiétante, étant donné que les détenteurs d’obligations non garanties ont généralement un rang plus élevé que les détenteurs de capitaux propres dans la structure du capital.
Cette situation soulève des questions sur la valeur réelle des obligations convertibles contingentes (CoCo) et crée des risques de contagion.
Tout dépend de la façon dont les investisseurs considèrent cette décision et s’ils la voient comme un cas unique. Sinon, ils vont certainement réviser l’asymétrie de leur rapport risque/rendement en période de détresse financière.
Ce que traverse le système bancaire mondial aura des conséquences sur la gestion des risques et sur la réglementation dans les années à venir. A court terme, la focalisation sera sur l’impact des prochaines hausses des taux. Réformer en période de baisse sera plus facile à digérer par les établissements de crédits.