Josep Borrell, ministre européen des Affaires étrangères ne semble pas porter la Tunisie dans son cœur. A l’issue de la tenue du conseil des ministres européens pour les affaires étrangères de l’UE, tenu le 20 mars, jour de la célébration de notre indépendance nationale, il s’est fendu d’une déclaration où il annonce un probable « effondrement » de la Tunisie. Et ce, parce qu’elle tarde à signer un accord avec le FMI.
A l’évidence cet ex ministre catalan, connu pou ses dérapages verbaux racistes et xénophobes ne connait pas l’histoire de notre pays. N’avait-t-il pas déclaré que l’Europe est un jardin qui risque d’être envahi par la jungle (africaine)? Et à propos de la Tunisie n’avait-t-il pas menacé de lui couper « les donations » avant de rétropédaler? Mais cette déclaration un peu farfelue n’enlève rien à la gravité de la situation économique que connaît la Tunisie. Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt!
La Tunisie éternelle ne s’effondre jamais
La tenue de cette réunion de l’UE, sur la « question tunisienne », ne s’est pas faite pour les beaux yeux des Tunisiens. Il s’agit plutôt d’une affaire européo-européenne! La montée de l’extrême droite, qui est actuellement au pouvoir en Italie, a créé une situation nouvelle dans les instances politiques européennes. La question de l’immigration, thème favori de la droite extrême est devenue centrale. Car elle touche les politiques intérieures des gouvernements, plus même que celle de la guerre en Ukraine.
C’est l’Italie, la plus exposée à l’immigration clandestine qui pousse vers des positions européennes communes. Sachant qu’elle cherche à impliquer les autres pays européens dans la protection de ses côtes, notamment sur les plans financier et logistique. D’où son intérêt pour la Tunisie d’où partent semble-t-il, les plus grands contingents de « harragua ». L’Italie va jusqu’à faire un don de plus de cent millions d’euros pour « aider les petites et moyennes entreprises tunisiennes à créer des emplois ». En réalité une bagatelle, vu le taux de chômage jamais atteint chez nous.
Mais, il faut le reconnaître, la première ministre italienne double même notre ministère des Affaires étrangères en multipliant les interventions pour que notre pays reçoive de l’aide d’autres pays nantis comme les Emirats arabes unis. De même qu’elle exhorte le FMI à débourser les 1,9 milliard de dollars pour notre pays. Sachant que l’Italie est devenue, ces derniers mois, notre principal partenaire économique, supplantant la France.
La question de l’immigration, thème favori de la droite extrême est devenue centrale. Car elle touche les politiques intérieures des gouvernements, plus même que celle de la guerre en Ukraine.
Cependant, nous avons de bonne raison de dire que la Tunisie résistera à l’épreuve et s’en sortira. En 1986, les finances de l’Etat étaient tellement dans une situation calamiteuse et la Banque centrale ne disposait plus que de trois jours devises. Alors que depuis plus de trois décennies et jusqu’à maintenant le seuil de trois mois de devises n’a jamais été franchi vers le bas.
D’autre part, il est maintenant clair que l’accord conclu avec le FMI à la fin de 2022, même s’il reste quelques problèmes à régler, sera mis en œuvre. Et seules les relations ombrageuses de notre exécutif avec nos grands partenaires continuent à retarder l’accord définitif. La directrice générale du Fond n’a-t-elle pas annoncé la signature pour bientôt. Bien sûr il s’agit là du côté strictement économique.
Il existe cependant un autre aspect que Monsieur Borrell et les experts de Bruxelles ne comprennent pas. La Tunisie est un Etat millénaire qui a connu toutes sortes de catastrophes économiques, politiques, sociales et même militaires. Et ce n’est pas une si passagère impasse économique qui provoquerait son effondrement. Ce n’est pas une République bananière et c’est un peuple qui a une longue histoire dans la gestion des crises majeures. Tout ce dont il a besoin c’est le retour de l’Etat. Et c’est en cours, ce qu’un esprit comme celui de Monsieur Borrel ne peut comprendre.
Depuis plus de trois décennies et jusqu’à maintenant le seuil de trois mois de devises n’a jamais été franchi vers le bas.
Il est indéniable que l’Union européenne et le monde occidental ont une lourde responsabilité historique dans l’affaiblissement et la perte de l’autorité de l’Etat tunisien. Et ce, lorsqu’ils nous ont poussés vers la catastrophe de ce qu’ils ont intitulé « la révolution du jasmin ». Laquelle aboutissait à la situation que l’on connaît où l’Islam Politique a fini par avoir le contrôle total sur l’Etat et la société. Tout en noyant le pays sous une avalanche de prêts dont une grande partie est allée dans les poches de ses dirigeants sous forme « d’indemnisations » de soi-disant « victimes de la dictature ». Sans parler de l’incapacité chronique des différents gouvernements sous la direction d’Ennahdha à gouverner et à gérer.
Une anecdote bien réelle résume cette situation incongrue lorsque le premier ministre nahdhaoui Hammadi Jbali fût nommé. Un détenu longue peine, qui a été le camarade de cellule de ce dernier à la prison de Mornaguia, s’est exclamé : « Lui premier ministre de la Tunisie? Il n’a jamais travaillé de sa vie et le seul poste qu’il a eu était lorsqu’il fût nommé par l’administration Caporal de la chambré !!! ». On connait le résultat, six milliards de dinars, comme réserve stratégique de l’Etat, provenant des privatisations d’entreprises publiques se sont volatilisés en quelques mois. Et la dette publique est passée en quelques années de 25 milliards de dinars à plus de 130 milliards de dinars.
La Tunisie ne s’effondrera pas, car son peuple peut souffrir des pénuries et de la baisse vertigineuse de son pouvoir d’achat; mais ne brûlera pas sa patrie. Car il a cette sagesse ancestrale qui consiste à résister aux catastrophes, tout en trouvant le chemin du redressement.
Une vision européocentriste
Ce qui brouille la vision surtout vu du côté de la rive nord de la Méditerranée, c’est la question politique. Ils ne veulent pas reconnaître que le dit printemps arabe, n’est plus qu’un mauvais souvenir pour les Tunisiens et les arabes. Si l’Europe veut préserver sa sécurité et ses intérêts, elle doit s’abstenir de mettre son nez dans les affaires intérieures de notre peuple.
La démocratie est désormais une affaire tunisienne. Et si le pouvoir actuel semble s’en éloigner du moins après les derniers évènements, seuls les Tunisiens décideront quand et comment le dissuader. Ce ne seront pas les pseudos ONG créées à coup d’euros et complètement déconnectées de la réalité qui pourront provoquer un sursaut démocratique qui ne pourra être que civilisé et pacifique. Le salut ne pourra pas venir de ceux qui ont enfoncé le pays dans cette crise multiforme.
Au moment où le MAE de l’UE faisait sa déclaration provocatrice, l’Europe dont il est le porte-parole, vit la plus monstrueuse des guerres depuis la seconde guerre. Et la France, locomotive de l’Europe, s’embrase à cause d’une loi sur la retraite imposée au pays précisément par cette Union européenne. Sachant que la retraite à 60 ans a été acquise en France grâce à des luttes sociales très âpres. Et que le gouvernement français fût obligé de faire un passage en force au parlement pour l’imposer, provoquant des réactions violentes et une répression des manifestations des plus violentes.
L’UE évidement a préféré regarder ailleurs s’agissant d’un de ses premiers membres fondateurs. Bien sûr, il est plus facile de taper sur la petite Tunisie. Bien sûr aussi que l’exécutif tunisien est responsable de ces dérives et entorses légales dans le traitement de la chose politique. Etant lui aussi composé d’amateurs épaulés de lamentables propagandistes et qui ont fait que la Tunisie soit maintenant au banc des accusés. Mais c’est une affaire tuniso-tunisienne et aucun pays n’a le droit de l’exploiter pour imposer ses dictats à notre pays.
La Tunisie ne tombera pas plus bas que le niveau atteint, lorsqu’elle est tombée ce 14 Janvier de 2011. L’ Etat tunisien renait de ses cendres et l’Etat ce n’est pas seulement son chef.