Dans une interview accordée à la chaîne qatarie Al Jazeera, le président algérien Abdelmadjid Tebboune révèle que la Tunisie « fait face à un complot ». Déchiffrage d’un message énigmatique.
Politique internationale, nouvelle configuration géopolitique au Maghreb, relations avec ses voisins directs, notamment le Maroc et la Tunisie. Tels étaient les sujets brûlants que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, abordait, mardi 21 mars 2023. Et ce, lors de son passage sur la chaîne qatarie d’information en continu, Al Jazeera. Mais, ce sont ses déclarations sur la Tunisie qui auront soulevé le plus d’interrogations et pour cause. Ainsi, l’intervenant déclara tout de go que notre pays « fait face à un complot ». Avant d’affirmer solennellement que l’Algérie « sera toujours aux côtés de la Tunisie quoi qu’il advienne ».
Complot
La Tunisie exposée à un complot tissé par des puissances étrangères ou par la main de ses propres enfants? S’agit-il, comme on a pu imaginer de prime abord, d’une coalition internationale malveillante? Laquelle, préoccupée par « la dérive autoritaire » du régime en place, table sur « l’effondrement » de la Tunisie. Et qui manœuvre à étouffer sciemment notre économie, en sabotant l’éventuel accord salvateur avec les bailleurs de fonds, notamment le FMI?
Il n’y a pas que cela. Selon l’invité interviewé par deux journalistes algériens, Abdelklader Ayadh et Khadija Benguenna, « les choses se sont beaucoup aggravées en Tunisie depuis que le président de la République, Kaïs Saïed a reçu le chef du Front Polisario, Ibrahim Ghali ». Surprise!
Une allusion sans équivoque à la grave brouille diplomatique avec le Maroc; après que le chef de l’Etat, provocation suprême aux yeux de Rabat, eut accueilli le président de la République arabe sahraouie démocratique du Polisario à sa descente d’avion. Et ce, au même titre que les autres présidents et chefs de gouvernement venus assister au sommet Japon-Afrique (Ticad8) que la Tunisie a accueillis les 27 et 28 août 2022. Un geste jugé hostile par le royaume chérifien qui décida de boycotter le Sommet et de rappeler ipso facto son ambassadeur en Tunisie. Carthage y avait répondu par un geste similaire.
Ainsi, nos ennuis ont commencé après avoir déroulé le tapis rouge au chef du Polisario. C’est ce qu’affirme le président algérien, un homme d’Etat qui n’a pas l’habitude de parler en l’air? Alors, qu’en faut-il déduire?
Un soutien « indéfectible »
Soulignons d’autre part que l’actuel locataire du Palais El Mouradia a réitéré à l’occasion son soutien « indéfectible » à la Tunisie. Affirmant qu’il n’accepte pas « l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la Tunisie ». Et qu’à son tour, l’Algérie ne « s’immisce pas dans les affaires de ce pays voisin ».
« Votre soutien concerne-t-il la Tunisie ou le chef de l’Etat tunisien? » Ainsi questionna, non sans malice, la journaliste qui dirigeait l’entretien? « A Kaïs Saïed en tant que chef de l’Etat tunisien. D’ailleurs, un symbole élu par son peuple. Au demeurant, il n’a pas accédé au pouvoir par la force ou à la suite d’un coup d’État », répliquait-il du tic au tac.
Un soutien de poids pour le président de la République, Kaïs Saïed. Alors même que nos relations bilatérales avaient pris un coup de froid, suite à l’affaire de l’opposante franco-algérienne Amira Bjaoui « infiltrée illégalement » via la Tunisie.
Pont de non retour
Et qu’en est-il des relations avec le Maroc avec lequel les relations diplomatiques algériennes ont été coupées depuis le mois d’août 2021?
Le chef de l’Etat affirme « qu’elles ont atteint le point de non retour ». Tout en déplorant que les relations entre les deux pays aient atteint ce stade de dégradation. « La position de l’Algérie est une réaction aux actions hostiles du Maroc », ajoute-t-il.
De toute évidence, M. Tebboune fait référence au plaidoyer, le 15 juillet 2021, du représentant permanent du Royaume à l’ONU, Omar Hilale ; et ce, lors de la réunion ministérielle du Mouvement des Non-Alignés. Ce dernier avait dit : « L’autodétermination n’est pas un principe à la carte. C’est pourquoi le vaillant peuple kabyle mérite plus que tout autre de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination. »
Pour le régime algérien, à fleur de peau sur le principe de l’unité nationale, toutes les lignes rouges auront été allégrement franchies.