Formellement inculpé au pénal pour une affaire de malversations dans les comptes de campagne alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle américaine de 2016, l’ancien 45e président des Etats-Unis, Donald Trump, pourrait se représenter en 2024. Même s’il était déclaré coupable et emprisonné.
C’est une première historique aux Etats-Unis. Donald Trump, l’ancien président américain a comparu hier mardi 4 avril 2023 devant le juge. Il a été inculpé au pénal par la justice de l’Etat de New York suite à une enquête ouverte en 2018 sur un versement de 130 000 dollars au profit d’une star de X, Stormy Daniels. Et ce, pour avoir acheté son silence quant à une éventuelle relation extraconjugale qu’il a eue avec elle avant l’élection présidentielle de 2016.
Or, il ne s’agit pas d’une banale affaire de mœurs réprouvée généralement par la société américaine, au demeurant très puritaine; mais bien de non déclaration de cette somme dans les comptes de campagne du candidat républicain, en violation des lois électorales de l’État. En effet, cette grosse somme avait été enregistrée par un tour de magie comptable en « frais juridiques » dans les comptes de son entreprise, dont le siège est à New York.
Comme un citoyen lambda
Comme un citoyen lambda, l’ancien 45e président des Etats-Unis devait se soumettre à la classique procédure judiciaire : déclinaison d’identité et prise d’empreintes digitales. Mais probablement a-t-il échappé à prise de la photo d’identité judiciaire et surtout, humiliation suprême, aux menottes.
Quels sont les scénarii possibles suite à son inculpation au pénal? Soit, les charges sont abandonnées, une hypothèse peu probable compte tenu du retentissement médiatique de l’affaire. Soit bien l’accusé passe un accord avec les procureurs et accepte de plaider coupable afin de s’éviter un procès. Une option quasi impossible, car ce serait un aveu de culpabilité.
Enfin, le plus probable, serait un procès classique devant un jury populaire. Mais, les avocats de Donald Trump useront certainement de tout un arsenal juridique pour retarder cette échéance jusqu’aux prochaines élections présidentielles en 2024. Sachant que si l’accusé était réélu, l’ensemble de la procédure serait mis en veilleuse durant les quatre ans de son mandat.
Plaidant non coupable de falsifications de documents comptables lors de l’audience pénale, l’ancien locataire de la Maison Blanche est reparti sous contrôle judiciaire. Mais, ses avocats feront tout pour éviter l’épreuve d’un procès en janvier 2024, seulement quelques mois avant l’élection présidentielle à laquelle il est candidat.
Trump : « Une insulte au peuple américain »
De retour en Floride après sa comparution devant le juge new yorkais, il s’adressait à ses partisans pour dénoncer une « insulte au peuple américain ». « Je n’aurais jamais imaginé cela possible en Amérique », s’est-il exclamé mardi soir. En affirmant que « le seul délit que j’ai commis, c’est d’avoir défendu sans peur notre pays face à ceux qui cherchent à le détruire ».
« Ils ne peuvent pas nous battre dans les urnes (les Démocrates NDLR), alors ils essaient de nous battre devant les tribunaux. Nous sommes une nation en déclin et maintenant ces fous de la gauche radicale veulent interférer dans les élections en utilisant la loi… Nous ne pouvons pas laisser cela se produire », martelait-il.
Retrouvant son punch et son agressivité habituelle, Donald Trump ne cherche pas à se poser en victime pour fédérer les Républicains autour de sa personne.
Dilemme
Or, gros dilemme : les candidats républicains, notamment Ron DeSantis, le gouverneur de Floride et son principal adversaire à l’investiture républicaine, se retrouvent dans une situation fort embarrassante. S’ils ne soutiennent pas Trump, ils risquent d’apparaître aux yeux de leurs électeurs comme des « traitres » à la solde des démocrates au pouvoir. S’ils le soutiennent, même du bout des lèvres, ils se placent de facto sous sa bannière comme le chef incontesté du Old Party.
Imbroglio juridique
Reste une problématique judiciaire de taille : Trump pourrait-il se présenter à l’élection présidentielle de 2024 s’il était déclaré coupable par la justice de son pays et emprisonné? Sachant qu’une inculpation pour « falsification de documents commerciaux dans la perpétration d’un autre crime » est passible d’une peine maximale de quatre ans de prison dans la loi américaine?
Non, car aux États-Unis, une personne accusée au pénal ou condamnée peut être candidate à n’importe quel poste et élue. De même, un arrêt de la Cour suprême de 1969 stipulait que même une personne emprisonnée aux États-Unis peut se présenter à l’élection présidentielle et, toujours théoriquement, exercer pleinement son mandat.
Par conséquent, Donald Trump pourrait en toute légalité se représenter à la prochaine élection présidentielle. Sauf que la Constitution prévoit également une seule exception à l’exercice d’une fonction officielle : avoir participé à une « insurrection » ou à une « rébellion » contre les États-Unis. Or, tout le monde sait que Donald Trump fait l’objet actuellement d’une enquête de la justice fédérale pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021. Retour à la case départ.