Une conférence a eu lieu jeudi 6 avril à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis sur l’activité législative du président de la République en 2022. Elle a été organisée par l’Association de Défense des Libertés Individuelles (ADLI) avec le soutien d’Heinrich-Böll-stiftung.
Un rapport, rédigé par une équipe de recherche composée de Dr. Amine Jelassi, Mame Fatma Fetni, Amine Letaief et Ahmed Zayani sous la coordination du Pr. Wahid Ferchichi, a été présenté à cette occasion. Selon ce rapport, « le président Kaïs Saïed s’est montré empathique et sensible à la souffrance de son peuple », a « éliminé intentionnellement toute existence du mot démocratie » au sein de l’article 142 de la nouvelle Constitution dans sa version du 30 juin 2022. Selon la même source, la pression de la société civile tunisienne l’a poussé à intégrer à contre cœur la notion du régime démocratique au sein de l’article 55 de la version « corrigée » de 08 juillet 2022″.
Dans le deuxième chapitre du rapport intitulé « Les droits économiques, sociaux et culturels : l’illusion d’une démocratie sociale ! » et rédigé par Fatma Fetni, le rapport mentionne que le « recours excessif à l’endettement extérieur et intérieur » pose problème. Selon Fatma Fetni, sur « un nombre de 81 décrets lois, 22 d’entre eux concernent directement les droits économiques, soit un taux de 27 %. » Toujours selon Mme Fetni, le recours à l’endettement n’est pas un problème en soi. « C’est lorsqu’il devient une politique d’Etat que cela peut poser un problème« , dit-elle.
« La spéculation illégale : une guerre radicale »
Kaïs Saïed a appelé dans tous ses discours à la lutte contre la spéculation illégale. Pour rappel, un décret-loi fut donc adopté dans ce sens. Cependant, il y a, selon le rapport, un problème dans l’application de celui-ci.Puisque toutes les « étapes de l’identification, la qualification et la condamnation de l’acte de spéculation peuvent être influencées par la pression du résultat attendu par les autorités. Ce qui donnera lieu à des applications rapides et non étudiées de décret-loi« .
Le décret relatif à la loi de finances est aussi passé au vitriol du rapport puisqu’il y est considéré comme « une loi fiscale déguisée« .
En effet, cette dernière « prévoit une baisse du déficit budgétaire à 5,2 % du PIB grâce à une augmentation de recettes« . Fatma Fetni considère que le décret-loi de finances de 2023 a été promulgué unilatéralement par le chef de l’Etat.
A été évoquée aussi dans ce même chapitre, la nouvelle « augmentation de la TVA pour certaines professions libérales tels que les avocats, les huissiers et les traducteurs ».
Kais Saïed a aussi adopté le décret-loi numéro 2022-12 du 20 mars 2022 relatif aux sociétés citoyennes. Pour Mme Fetni, la loi relative à ces entreprises « pose énormément de questions sur son application et le degré de son efficacité« .
En guise de conclusion, les auteurs du rapport soulignent que l’année 2022 était « une année où la loi de finances est des plus imposables depuis 1984, avec un retrait clair de l’Etat du développement et de la compensation. Avec tout ce que cela pourrait entraîner comme conséquences sur le taux de pauvreté et les problèmes sociaux et économiques : décrochage scolaires, migrations clandestines, développement du secteur informel… ».