En mode de recherche d’alternatives au FMI, les partisans du Président Kais Saied se sont montrés favorables à l’adhésion de la Tunisie aux BRICS.
L’alliance BRICS que nous connaissons aujourd’hui se compose du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Il s’agit de cinq grandes économies émergentes, qui comptent plus de 3 milliards d’habitants, représentant 42% de la population mondiale et le quart du PIB mondial. La Chine représente plus de 70% de l’économie du groupe, l’Inde environ 13%, la Russie et le Brésil environ 7% et l’Afrique du Sud 3%.
Les candidats sérieux
Ce groupe n’est pas un club fermé. En 2022, l’Iran, l’Algérie et l’Argentine ont déposé leurs demandes officielles d’adhésion aux BRICS. La liste des candidats comprend aussi l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Égypte. L’expansion est toujours vue d’un œil favorable par les fondateurs car elle renforcera leur influence.
Les trois pays ont une population combinée d’environ 220 millions d’habitants. L’Arabie Saoudite est un joueur clé dans le marché pétrolier, avec 11 % de la production mondiale et 15% des réserves mondiales de pétrole. Elle a récemment annoncé qu’elle tenterait d’augmenter sa production de pétrole de 10 à 13 millions de barils par jour.
L’Égypte, le plus grand des trois pays en termes de population avec un peu plus de 102 millions d’habitants, est également un important producteur et exportateur de pétrole. Ses autres exportations clés comprennent le coton et les textiles, suivis par le plastique, les matières premières et les produits chimiques.
La Turquie, qui compte plus de 84 millions d’habitants, exporte principalement des véhicules à moteur et leurs pièces détachées, ainsi que de l’or et des huiles de pétrole. Elle est également le septième exportateur mondial de coton.
L’expansion en cours
Depuis l’entrée de l’Afrique du Sud en 2010, aucun pays n’avait fait son entrée. L’annonce du lancement des démarches de l’entrée de l’Iran, de l’Algérie et de l’Argentine a été faite par la Russe en juin 2022. Cet événement était une sorte de réponse aux tentatives d’isoler Moscou après sa guerre en Ukraine.
Avec une population combinée d’environ 173 millions d’habitants, les trois nations apporteraient également beaucoup en matière de sécurité énergétique et alimentaire. L’Iran détient les deuxièmes réserves mondiales de gaz et d’or, tandis que l’Argentine est un important exportateur de soja, de blé et de maïs. L’Algérie est un producteur pétrolier et gazier de premier plan, et assure la sécurité énergétique de l’Europe après les sanctions contre la Russie.
Si l’on considère les récentes demandes d’adhésion de l’Arabie saoudite, de la Turquie et de l’Égypte, l’alliance des BRICS pourrait s’agrandir d’environ 393 millions de personnes d’ici quelques années.
D’autres pays sont invités par la Chine pour rejoindre le dialogue BRICS, comme le Kazakhstan, l’Indonésie, le Nigeria, le Sénégal, les Emirats arabes unis et la Thaïlande. L’idée sous-jacente est la création d’un contre-pouvoir au G20.
La Nouvelle banque de développement
Ce groupement économique a mis en place son bras financier, appelé la Nouvelle banque de Développement. C’est une alternative à la Banque mondiale et le FMI.
La mission principale de la Banque est de financer des projets d’infrastructure. Les membres fondateurs ont procédé à une souscription initiale de 50 milliards de dollars, dont un capital libéré de 10 milliards de dollars et un capital exigible de 40 milliards de dollars.
La Banque fournirait également une assistance à d’autres pays qui souffriraient de l’instabilité économique. D’ailleurs, elle a accepté de nouveaux membres comme le Bangladesh, l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Uruguay. Elle est notée AA+ par S&P et AAA par Fitch Ratings, avec des perspectives stables.
En juin 2022, environ 25% du portefeuille de la Banque était composé de projets en Chine, suivie par l’Inde (24%), le Brésil et l’Afrique du Sud (18% chacun), le reliquat concernant essentiellement la Russie.
Quels intérêts pour la Tunisie ?
L’appui financier de cette banque serait l’objectif ultime de la Tunisie si elle envisage réellement d’entrer dans les BRICS. En pratique, nous avons plusieurs handicaps qui nous empêchent d’en bénéficier de la manière dont certains pensent.
Le premier est la taille du pays et de son économie, avec un PIB aux alentours de 47 milliards de dollars et à peine 12 millions d’habitants. Nous ne sommes pas un marché potentiel pour les autres membres et nous n’avons pas d’avantages compétitifs à leur ajouter.
Le second est que la taille de l’appui que nous pouvons obtenir restera minime par rapport à la collaboration historique établie avec la Banque mondiale et le FMI. Pleins de projets sont en cours, et il ne faut pas s’attendre à ce que la Nouvelle banque de développement nous apporte annuellement un appui budgétaire récurrent de plusieurs centaines de millions de dinars.
Néanmoins, nous pouvons faire partie de cette banque et coopérer avec elle. Il ne faut surtout pas s’orienter vers ce nouveau bloc avec une logique de substitution, mais plutôt de complémentarité avec les institutions financières de Bretton Woods.
Asymétries
L’observation des faits réels montre que durant depuis leur création, les BRICS ne sont guère plus qu’un acronyme. Ils n’ont pas été en mesure d’agir en tant qu’organisation, en proie à la rivalité entre les deux membres les plus puissants du bloc, la Chine et l’Inde.
Et si pour l’instant, il y a une unité entre la Russie et la Chine, et qu’avec de nouveaux membres, l’influence des BRICS est susceptible de s’étendre au grand bénéfice de la Russie, la vieille rivalité entre l’Inde et la Chine n’est pas prête à s’éteindre.
De plus, si l’on regarde la structure des échanges au sein de ce groupe, ce qui frappe c’est leur asymétrie. La Chine s’est imposée comme le premier partenaire pour les autres membres. En revanche, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde et la Russie restent des partenaires marginaux pour la Chine. Pékin a fondé avec eux une relation de fournisseur peu diversifié, centré autour des matières premières.
Attention alors. Les beaux rêves de certains sont légitimes, mais ne collent guère avec la réalité.