Rached Ghannouchi brandit la menace d’une guerre civile en réponse à « toute tentative d’éliminer une des composantes politiques », en l’occurrence Ennahdha. Pour sa part, son gendre Rafik Abdessalam qualifie notre armée nationale de « putschiste ». Gravissime.
Chassez le naturel, il revient au galop. En hibernation depuis quelque temps pour se faire oublier, Rached Ghannouchi est sorti de sa tanière pour tenter de prouver aux uns qu’il n’est pas un has been et autres qu’il faudrait compter avec lui. Alors même que le leader d’Ennahdha traîne des casseroles judiciaires à n’en plus finir, qu’il est contesté même au sein de sa propre famille politique. Enfin, qu’il est de plus en plus isolé à l’international, ses mentors politiques et financiers, à l’instar de la Turquie et du Qatar, semblent se détourner définitivement de l’islam politique en perte de vitesse aux quatre coins du globe.
Menace en l’air?
Pourtant, étant conscient qu’il n’a plus rien à perdre, le leader historique du parti islamique d’Ennahdha est passé à l’attaque en brandissant l’arme qu’il excelle à manier : la menace.
En effet, sur un ton virulent et un brin provocateur, il clama que « toute tentative d’éliminer une des composantes politiques ne peut mener qu’à la guerre civile ». Traduisez : pas touche à la Nahdha, représentante officielle et patentée de l’islam politique, sinon c’est la guerre civile!
Le vieux briscard de la politique, habituellement prudent comme un Sioux, mesure-t-il l’impact de cette menace gravissime, fût-elle voilée, sur la paix civile?
Toujours est-il qu’il a tenté de noyer le poisson dans l’eau en affirmant dans la soirée du samedi du 15 avril 2023, lors d’une cérémonie marquée par plusieurs interventions des membres du Front de salut national dont Ahmed Néjib Chebbi, qu’ « il est inconcevable d’imaginer la société tunisienne sans Ennahdha, sans islam politique et sans gauche… » M. Ghannouchi ardent défenseur devant l’éternel de la gauche mécréante? On reste coi face à tant de machiavélisme et de mauvaise foi.
Attaques à la hussarde
S’en prenant au régime en place, « issu d’un coup d’État » selon ses dires, l’intervenant comparait les gouvernants actuels, à leur tête le président de la République, Kaïs Saïed, aux figures marquantes de l’ancien régime, telles que Ben Ali, Ali Seriati et Abdallah Kallel. Tous accusés d’être des « leaders de la contre-révolution, de crimes et de terrorisme ». Exprimant à l’occasion sa stupeur de voir des personnalités et des formations politiques « faire l’éloge du putsch ». Tout en qualifiant a contrario les personnalités emprisonnées par le régime de Saïed et soupçonnées de tremper dans un complot contre la sûreté de l’Etat de « vrais démocrates qui mènent une lutte de libération nationale ».
Puis, il évoquait, à la fin de son intervention, l’élection présidentielle de 2024. Ainsi, l’ex-président du Parlement dissout n’hésitait pas à arguer que le prochain scrutin n’aura pas lieu. « D’abord, les dernières élections ont eu lieu selon la Constitution de 2014 qui est de facto caduque. Ensuite, le chef de l’Etat en personne aura indiqué ne céder le pouvoir qu’à de ‘’vrais patriotes’’, selon des critères qu’il fixera lui-même », dixit l’intéressé.
Lâchage
Il convient de rappeler que le patron de Montplaisir a haussé le ton envers le régime en place. Et ce, après avoir piteusement lâché son gendre préféré, Rafik Abdessalem. En effet, ce dernier est l’auteur d’une nouvelle bourde si grave qu’il fallait s’en démarquer au plus vite.
A cet égard, fait très rare, notons que le mouvement Ennahdha s’est fendu le 13 avril en cours d’un communiqué. Et ce, pour indiquer que le message publié par l’un de ses dirigeants (Rafik Abdessalam NDLR) sur l’institution militaire « n’engage pas le parti ».
« Ennahdha rappelle qu’il respecte l’institution militaire et salue le rôle positif qu’elle a joué pour protéger la révolution et le processus électoral et dans la guerre contre le terrorisme ». C’est aussi ce qu’on peut lire dans le communiqué.
« Le parti a également appelé toutes les forces nationales, les symboles de l’Etat et ses institutions à garder l’institution militaire hors des tiraillements politiques et à préserver sa neutralité », indique encore le communiqué.
Ennahdha qui se démarque publiquement du gendre et chouchou de son président?
La bourde de trop
Ces précisions interviennent après que le dirigeant d’Ennahdha et ex-ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem a publié mardi 11 avril 2023 un post sur les réseaux sociaux. Il y avance imprudemment et sans preuves que le « mythe » d’une armée neutre n‘est qu’un « mensonge » et que l’armée tunisienne est une armée « putschiste ». Sic !
Et de s’enfoncer dans le délire : « L’armée a déplacé ses chars pour renverser la Constitution et les institutions. Kaïs Saïed n’aurait pas pu resserrer son emprise sur le pouvoir sans le soutien des généraux. En effet, à l’instar des autres armées arabes, notre armée est putschiste. Pour elle, Al Sissi d’Égypte est le modèle à suivre et un exemple à reproduire ».
Des propos d’une extrême gravité venant d’un dirigeant nahdhaoui qui coule un exil doré à Londres. Et qui de part son appartenance au cercle familial à Rached Ghannouchi, se croit tout permis.
Rien d’étonnant de la part d’un ancien chef d la diplomatie qui sent le soufre. Etant soupçonné d’être impliqué dans une affaire de mœurs, le Sheraton Gate. Sans omettre la mystérieuse affaire du don chinois qui aurait transité par un compte privé avant d’atterrir dans les caisses de l’État.