En tout, 1285 activités sont programmées dans l’ensemble des 24 gouvernorats tunisiens à l’occasion du mois du patrimoine 2023 (18 avril-18 mai) placé par le ministère des affaires culturelles dans sa 32ème édition sous le signe « Notre patrimoine, un héritage de civilisations, une ressource économique».
La majorité des ateliers, rencontres musicales, théâtrales et poétiques, conférences, expositions et spectacles divers se dérouleront dans les maisons de culture, les complexes à vocation artistique et les espaces publics. Quant aux sites archéologiques au nombre de 14 ouverts au public en Tunisie, et outre «Thuburbo Majus» (Gouvernorat de Zaghouan), où a été lancé la version 2023 du Mois du patrimoine, c’est le site archéologique d’Oudhna (gouvernorat de Ben Arous) qui accueillera une part variée d’activités pendant deux jours. Sont au programme également les sites « Néapolis » à Nabeul, » Mustis » à El Krib (gouvernorat de Siliana) et Thapsus/Bekalta (gouvernorat de Monastir), ce dernier objet d’un grand projet de recherche scientifique entamé en 2020 et qui vient d’être soutenu en mars 2023 par la sous-commission des fouilles Europe-Maghreb du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères français, dans le cadre de ses projets archéologiques quadriennaux 2023-2026.
Oudhna : 6ème projet en son genre, soutenu par l’AFCP
« Oudhna » est un des lieux de mémoire qui symbolise la richesse de l’histoire de la Tunisie abritant de nombreux trésors culturels – des ruines archéologiques romaines aux anciennes médinas, en passant par les traditions musicales… comme le stambeli et d’autres références.
Ses lieux vibreront les 29 et 30 avril prochain au rythme d’une série d’ateliers et de workshops sur « La technique du crochet, « Le textile traditionnel tunisien » et « Histoire, techniques et rôle du textile dans la dynamique économique ». La musique, la poésie populaire et une conférence scientifique sur les perspectives économiques du tissage traditionnel tunisien et le rôle de la femme dans la préservation de cette industrie » sont également au menu outre une exposition « Mergoum » et un défilé de mode « Femmes de Carthage ».
Le site d’Oudhna a fait objet d’une visite le 18 avril dernier à l’occasion de la Journée internationale des monuments et des sites coïncidant avec le lancement du mois du patrimoine par l’ambassadeur des Etats Unis en Tunisie Joey Hood qui a eu l’occasion de prendre connaissance des travaux d’avancement du projet de réaménagement des anciennes citernes du site et leur transformation en une réserve archéologique, dans sa phase finale, entamé en 2019 et financé par l’ambassade des Etats Unis à travers le Fonds des Ambassadeurs pour la préservation culturelle (AFCP).
Le but de la restauration entreprise étant de préserver les vestiges et de transformer le site en un point d’attraction majeur dans le cadre d’un parc archéologique. Moyennant un coût de près de 330 000 DT, ce sixième projet en son genre, soutenu par l’AFCP, a connu, selon d’anciennes données de l’INP, des efforts de mise en valeur, entre 1996 et la fin de 2003, ayant porté sur les grands monuments publics du site: le capitole, l’amphithéâtre et les thermes.
Le mois du patrimoine sera une occasion également dans le cadre des activités programmées de se familiariser davantage avec d’autres lieux de mémoire notamment au Cap Bon, à savoir le site antique de Néapolis, aujourd’hui intégré dans le tissu urbain de la ville de Nabeul, du côté de la zone touristique. Ce site a été fortuitement découvert en 1965 lors de travaux de terrassement. Des fouilles de sauvetage ont permis de découvrir un ensemble unique en son genre : une véritable installation industrielle d’époque romaine de fabrication du garum et de salaison de poisson.
Le site archéologique Musti ou Mustis dans la région d’El Krib (gouvernorat de Siliana), est un site antique de la Tunisie, situé à une distance de 120 km de Tunis. Cette ville a connu une prolifération surtout pendant l’époque romaine. Elle se trouve sur la voie romaine entre Carthage et Tébessa. Elle est devenue un municipe sous le règne de Jules César ou Auguste. On trouve aussi des traces byzantines ce qui confirme que le site a été occupé ultérieurement. Le site de Musti a été fouillé partiellement dans les années soixante. Il couvre plusieurs dizaines d’hectares.
Aujourd’hui on peut y voir plusieurs édifices romains : des édifices religieux, domestiques, publics mais aussi une citadelle byzantine. Les dernières fouilles menées par une équipe de chercheurs polonais de Varsovie avec l’INP ont révélé au mois de novembre 2019, plus de 130 épigraphes romaines, de véritables merveilles archéologiques qui ne peuvent que faire de ce lieu une nouvelle destination touristique dénotant de l’étendue des richesses de la Tunisie.
« Thapsus: Ville portuaire antique de la Méditerranée » dans l’attente de livrer ses secrets
Les données sur le site de Thapsus/Bekalta à Monastir, révèlent que peu de fouilles ont été conduites dans la ville antique littorale comme dans son arrière-pays. La plupart des monuments et autres vestiges identifiés sont le fait de prospections ou de découvertes fortuites. La grande majorité des vestiges se trouve encore sous terre.
Le plus récent projet de recherche est mené depuis décembre 2020 en vertu d’une convention de partenariat scientifique entre la Casa de Velázquez (Madrid, Espagne) et l’Institut National du Patrimoine (Tunisie), sur le site de Thapsus et dans le cadre d’un programme de coopération internationale réunissant plusieurs chercheurs tunisiens et français (historiens, archéologues, géographes, géophysiciens, biologistes, …) représentant trois institutions : l’INP (Tunisie), le laboratoire LIttoral ENvironnement et Sociétés -LIENSs- (La Rochelle Université, France) et le Centre Camille-Jullian (CCJ de l’université Aix-Marseille) et qui constitue un laboratoire d’histoire et d’archéologie qui conduit des recherches archéologiques et d’histoire ancienne sur le pourtour de la Méditerranée et en Afrique du Nord.
Intitulé « Thapsus (Rass Dimass) : ville portuaire antique de Méditerranée », ce projet d’étude archéo-environnementale porté par la Casa de Velázquez et l’École Française de Rome, s’est donné pour mission de dresser l’inventaire des vestiges grâce à une prospection géophysique et la transmission de ce savoir-faire aux équipes locales. Outre son apport majeur à la recherche archéologique, cette étude contribuera à la mise en place de mesures de protection d’un patrimoine non visible, menacé de disparition, d’orienter le développement des programmes de recherches en déterminant des secteurs d’interventions archéologiques prioritaires et d’identifier les zones sensibles à protéger.
Les transformations environnementales actuelles marquées par une forte érosion naturelle, ainsi que le développement démographique, agricole et touristique de la région menacent, selon les experts, la connaissance et la conservation de ce patrimoine archéologique. Une partie des structures installées sur la côte a également été emportée par l’érosion littorale. Beaucoup de vestiges encore visibles au XIXe siècle ont ensuite disparu (l’enceinte, le môle, les quais, etc.). Les quelques édifices encore en place subissent une dégradation accélérée. Le grignotage urbain et agricole empiète sur les terrains archéologiques et fait rapidement disparaître les vestiges enfouis.
Face à ces menaces, les chercheurs tunisiens et français ont monté ce projet de recherches afin d’enregistrer, d’étudier et de préserver les vestiges menacés de la ville antique (données tirées de la plateforme internationale pour les blogs scientifiques « Hypotheses », et du site Casa de Velazquez).
Les travaux de la première opération de prospections géophysiques et de fouilles archéologiques effectués au mois de mai 2022 ont révélé la richesse de ce site et tout l’intérêt de poursuivre l’enregistrement des données dans un contexte d’urbanisation accélérée afin d’obtenir un outil de contrôle et de préservation du patrimoine. Les prochaines campagnes seront conduites sur les structures découvertes par les prospections géophysiques et particulièrement les édifices monumentaux et littoraux afin de mieux comprendre la nature de cette ville et les relations qu’elle entretenait avec la mer. Les données recueillies lors de ces prospections qui sont encore en cours d’analyse, doivent être vérifiées par des sondages archéologiques.
Attentif au développement et à l’usage des nouvelles technologies dans la pratique archéologique, le conseil scientifique du Fonds de dotation Arpamed « Archéologie et Patrimoine en Méditerranée » , (premier fonds destiné à l’archéologie française en Méditerranée et qui finance des fouilles dans le bassin méditerranéen) a décidé en 2021 de soutenir le projet Thapsus à travers le développement du volet des recherches géophysiques conduites sur le site afin de permettre d’identifier rapidement l’étendue des vestiges de la cité antique, de circonscrire les principaux édifices enfouis et d’œuvrer à l’inventaire du patrimoine et à sa conservation.
Tout récemment, le 23 mars 2023, la sous-commission des fouilles Europe-Maghreb du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères (France), a décidé de soutenir le projet Thapsus dans le cadre de ses projets archéologiques quadriennaux 2023-2026. Ce soutien considéré comme une reconnaissance du travail préliminaire accompli depuis 2019 par l’équipe du projet Thapsus, va permettre au projet de prendre un nouvel élan et prendre forme d’une nouvelle destination touristique.
Avec TAP