Le Forum de l’Économiste en est à sa 24ème édition. Je voudrais à l’occasion vous remercier et saluer la FFN pour la Liberté, qui défend un libéralisme économique – et pas que cela – aussi efficace que juste, débarrassé de ses excès.
Votre présence, votre participation, votre engagement à nos côtés ont fait de cette manifestation annuelle une idée toujours neuve, un haut lieu de réflexion, d’échange, d’interrogation de prospective et de multiples questionnements. Remercier enfin nos sponsors sans lesquels le Forum de l’Économiste ne sera pas ce qu’il est.
Des interrogations, nous allons les poser à dessein, en rapport avec l’avenir de la mondialisation, dont dépendent l’évolution de l’économie nationale et sa trajectoire de croissance.
Des questions du reste légitimes, à cause de ses difficultés économiques et financières. Certains et non des moindres n’hésitent pas à parler d’effondrement.
Ces questions se posent d’autant plus qu’une nouvelle phase de mondialisation semble se dessiner. Ni démondialisation ni ralentissement d’une mondialisation, pas plus ni moins heureuse que la précédente, mais une mondialisation fractionnée, transformée, régionalisée et pour ainsi dire, une mondialisation entre amis, choisis pour leur fiabilité et partageant les mêmes valeurs.
C’est pourquoi nous avons choisi pour thème : « Nouvelle mondialisation : Une chance pour la Tunisie ».
Pour donner plus de chair et de consistance au concept de friendshoring, signe distinctif de la nouvelle mondialisation.
Reste que quel que soit le visage de la prochaine étape, une chose est sûre, tous les industriels occidentaux sont en train de repenser leurs chaines d’approvisionnement pour sécuriser leur production. La raison en est que le Covid, puis la guerre en Ukraine, leur ont fait prendre conscience des vulnérabilités nées d’une extrême fragmentation des processus productifs. L’hypothèse d’une rupture structurelle et non plus simplement conjoncturelle est de plus en plus privilégiée.
Le retour des logiques de blocs de puissance et l’hyper-fragmentation de l’espace mondial poussent en faveur d’un raccourcissement et d’une plus grande régionalisation des chaines d’approvisionnement.
La relocalisation de certaines activités est sérieusement envisagée, au motif de trouver un nouvel équilibre entre l’objectif d’efficacité qui a présidé au développement des chaines de valeur à l’échelle mondiale et un impératif de sécurité et de résilience pour prévenir les risques de rupture d’approvisionnement.
Au regard de notre insertion dans l’espace européen, du reste notre principal partenaire commercial et industriel, on voudrait croire à un possible renforcement des chaines de valeurs à l’échelle euro-méditerranéenne, dans une logique de proximité, de fiabilité et pourquoi pas de solidarité. D’autant que l’arbitrage entre sécurité et efficacité est revu par les États qui incitent les entreprises à intégrer cette démarche. C’est par ce biais que les États interviennent dans le jeu économique. Pour les États comme pour les entreprises, l’objectif d’autonomie a valeur stratégique. Il y a là un enjeu de souveraineté pour les États, mais aussi pour les entreprises.
Face à la perspective d’une nouvelle mondialisation fragmentée et transformée, nous devons redéfinir, reconsidérer nos avantages comparatifs, réinterroger nos priorités et nos pratiques. Et nous poser la question de savoir comment nous repositionner dans le nouveau paysage à travers moyens, mécanismes d’incitations et politiques sectorielles.
Nos panélistes, que je salue, nous diront dans quelle mesure on peut et on doit prendre appui sur notre proximité géographique, culturelle, sur les liens historiques qui nous unissent à l’Europe, renforcés par notre statut de partenaire privilégié depuis 2012, pour profiter pleinement du processus de recomposition et de raccourcissement des chaines de valeur.
La question est de savoir comment attirer davantage d’investisseurs et d’entreprises, qui ne peuvent tout relocaliser et tout produire à la maison. Les considérations d’efficacité n’ont pas disparu pour autant.
Nous devons, certes, nous montrer agiles et réactifs, mais cela ne saurait suffire pour saisir ces opportunités. Nos panélistes vont sûrement aborder les obstacles qui ont considérablement ralenti ces dernières années le flux des investissements extérieurs.
Le fait est que l’absence de visibilité politique, l’agitation sociale propre aux situations de transition démocratique, l’instabilité fiscale, notre système de change, du moins dans sa version ancienne, et la fuite des compétences ont lourdement impacté l’attractivité du site Tunisie.
Les carences en matière de transition énergétique, environnementale et numérique ne sont pas en reste. Et c’est d’ailleurs à dessein que nous avons dédié un panel à la transition énergétique, dans ce qu’elle a de plus prometteur : j’entends par là l’hydrogène vert. Les problèmes de logistique, en particulier les dysfonctionnements du port de Radès par où transite l’essentiel de nos échanges, nous font de surcroît perdre plus d’un point de croissance et d’énormes opportunités d’investissement.
Le plus important est que les problèmes du passé ne doivent pas obérer les voies du futur. Il faut simplement plus d’audace, moins d’immobilisme et de crainte du changement. Si l’on aspire à une plus grande intégration dans le mouvement de recomposition des chaines de valeurs régionalisées, il faut se faire à l’idée d’accélérer les simplifications administratives, la flexibilité en matière de PPP, mais aussi et surtout l’émergence de champions nationaux capables de construire des relations de partenariats stratégiques au plan mondial.
Où en sommes-nous de tout cela pour inverser cette tendance? Le plan préparé 2023-2025 répond-il à cet objectif et au besoin d’accompagner et de donner les moyens à nos entreprises les plus en vue de se redéployer à l’international?
Pour finir : face au basculement mondial, « comment on produit, où, avec qui et dans quels secteurs » prennent toute leur signification. Nos panélistes talentueux sont conviés à une vaste et profonde réflexion sur nos moyens de production, sur ce que nous pouvons et devons faire, sur notre capacité de transformation. Nul doute que notre conférencier M. José Garson ainsi que les trois panels dédiés à cet effet sauront apporter les éléments de réponses, dans l’espoir de relever les défis d’aujourd’hui pour profiter de cette recomposition des chaines de valeurs.