L’inflation n’est pas, comme le préconisait Milton Friedman « toujours et partout un phénomène monétaire », elle est souvent aussi le résultat de mauvais choix politiques.
Autrement dit, la naissance de pressions inflationnistes ne se limite pas à la création monétaire, au dérapage dans les dépenses budgétaires, à la flambée des prix de matières premières sur les marchés nationaux et à la dépréciation de la monnaie nationale. Au-delà de ces considérations purement économiques, l’inflation trouve aussi son origine et surtout son accélération dans les circonstances politiques du pays en question. Le cycle politique, l’instabilité politique, la crédibilité et la réputation du gouvernement en place sont tous aussi des facteurs générateurs d’une inflation durable.
A l’approche des élections, les décideurs politiques peuvent succomber au charme des pressions revendicatives des syndicats pour acheter la paix sociale. Ils peuvent même instrumentaliser la Banque centrale pour procéder à des majorations salariales démesurées, non justifiées par une amélioration de la productivité, alimentant ainsi une spirale inflationniste difficilement contrôlable. Face à une économie informelle envahissante et une évasion fiscale « gangrénante » pour les finances publiques, certains gouvernements n’hésitent pas à recourir au seigneuriage pour financer leurs budgets. La non-crédibilité d’un gouvernement dans sa lutte contre la fraude fiscale et l’informel ne peut qu’ébranler la crédibilité de l’autorité monétaire dans sa lutte contre l’inflation.
Le laxisme budgétaire, alimenté par un argumentaire populiste, creusera les déficits (courant et budgétaire), déclenchant ainsi des pressions baissières sur la monnaie nationale et ouvrira le bal de l’hyperinflation. Sur le front de la politique monétaire, camper derrière la hausse des taux d’intérêt et espérer contrer les pressions inflationnistes sont loin d’être la voie royale, surtout lorsque les origines de l’inflation sont à rechercher en dehors de la sphère monétaire. Un durcissement monétaire qui finira par faire sombrer l’économie dans la stagflation. La lutte contre l’inflation est une question qui dépasse le cadre de la Banque centrale. Elle se loge du côté de la bonne gouvernance politique et de la sécurité alimentaire et énergétique.
L’heure n’est plus à l’attentisme. L’urgence est de rompre avec le courtermisme et de repenser les politiques monétaires et budgétaires dans le cadre d’une vision stratégique de moyen et long termes.
Par Lamia Jaidane Mazigh
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste N 868 du 26 avril au 10 mai 2023