Le conflit soudanais doit nous interpeller. Il est source de soucis. Pas seulement parce qu’il concerne un peuple arabe et musulman. Mais, parce qu’il peut déranger notre quotidien. Au moins pour deux raisons.
Beaucoup de Tunisiens ne peuvent qu’avoir de la sympathie pour le peuple soudanais en ces temps difficiles d’une guerre fratricide dont on ne voit pas la fin. Les Soudanais ne sont-ils pas des arabes et des musulmans comme nous autres Tunisiens ? Mais, n’y a-t-il pas des raisons supplémentaires pour se soucier de la crise soudanaise ? Car, et d’évidence, les événements qui se déroulent au Soudan ont des conséquences directes sur la Tunisie. Et sur toute la sous-région maghrébine.
Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un regard rapide sur la carte et se rendre compte que le Soudan est au centre d’une zone à risques. Une zone où se situent donc des pays connaissant des conflits: Libye, Sud Soudan, République centrafricaine, Ethiopie et Tchad.
Des conflits qui ne peuvent qu’encourager tous les maquisards et autres contrebandiers, qui profitent de grands espaces dont certains sont désertiques, à aller de l’avant. En tout cas échappant au contrôle des armées régulières.
Près de 400 kilomètres
On pourra dire que le soudan c’est bien loin. Certes, mais de récents événements, comme au Tchad et au Mali, nous montrent que quasiment rien n’arrête les rebelles et les mafieux de tout bord qui traversent avec une certaine facilité des frontières poreuses et bien longues.
A titre d’exemple, la frontière du Soudan avec la Libye fait près de 400 kilomètres ; soit une distance quasi équivalente de celle qui sépare Tunis de Ghannouch à l’entrée de Gabès (414 Km). Et ce n’est pas peu.En Libye, limitrophe de la Tunisie, des milices, entre autres islamistes, sont aux commandes du pays.
Et les derniers déroulements au Soudan ne sont pas là pour rassurer nombre de personnes sensibles aux questions de sécurité dans le continent africain. Il s’agit de la sortie de prison de nombre de détenus islamistes qui officiaient du temps de l’ancien président Omar Al Bechir, renversé en avril 2019.
Deuxième source de soucis et pas des moindres : l’aggravation de la migration irrégulière. Il est évident que certains seront tentés de tirer profit des déplacements de population, nés de la crise soudanaise (notre photo), pour faire passer du monde vers le Nord. Et la Tunisie peur être une victime de ce nouvel épisode de ce que l’Afrique endure comme crise. Qu’il s’agisse de la sécheresse, du stress hydrique et des conflits armés. Ou encore de cette quête permanente d’aller voir là où l’herbe est plus verte. En Europe.
La migration irrégulière ne va pas s’arrêter
Les récentes découvertes en pleine mer, notamment dans la région de Sfax, prouvent qu’une partie, du moins, de Subsahariens, qui viennent en Tunisie, ont un projet : se rendre en Europe. Et cela fait des années que des géopoliticiens nous le disent : la migration irrégulière ne va pas s’arrêter de sitôt.
Et une conjoncture économique que notre revue, L’Economiste maghrébin, vient de présenter, le 27 avril 2023, à l’occasion de l’organisation du 24 ème Forum de l’Economiste Maghrébin sur la « Nouvelle mondialisation », faite notamment du repli du commerce mondial, de l’inflation, de l’augmentation des taux d’intérêt et autre taux directeurs a aidé à booster la migration.
« Au cours des années 90, l’augmentation de la migration économique par rapport à la population mondiale était pratiquement nulle. Les migrants économiques représentaient 2,5 % de la population mondiale au début de la décennie et 2,6 % en 2000. Depuis, les flux migratoires se sont intensifiés et la part des migrants dans la population mondiale a atteint 3 % en 2015. Ce sont 222 millions de personnes qui vivent actuellement hors de leur pays de naissance », nous dit le Fonds Monétaire International, publié il y a quelques années.