Les grands événements fondateurs sont généralement sanglants. La plupart restent confinés dans un cadre national (le 14 juillet en France, le 9 avril en Tunisie, le 1er novembre en Algérie). Mais quelques-uns dépassent le cadre étroit du lieu de leur déroulement pour revêtir un aspect international, voire universel. C’est le cas du 1er mai, fête du travail. Cette journée est devenue une tradition célébrée annuellement par pratiquement la totalité des pays de la planète.
Pratiquement, car il y a quelques exceptions dont la plus notable concerne les Etats-Unis, le pays même où s’étaient déroulés les événements sanglants le premier mai 1886, une date devenue progressivement la fête internationale du travail. La phobie largement partagée dans ce pays de tout ce qui se rapporte de près ou de loin au syndicalisme et aux mouvements sociaux revendicatifs explique le fait que l’Amérique ne partage pas avec le reste du monde la fête du travail.
En fait, aux Etats-Unis, il y a une fête du travail (fériée et chômée), célébrée …le premier lundi de septembre. Cette date était choisie comme étant le jour marquant le retour à la pleine activité après les longues vacances d’été. Quant au 1er mai, il demeure en Amérique une journée normale de travail, même s’il est considéré par quelques mouvements de gauche très marginaux comme la fête des travailleurs. Une fête ignorée par l’écrasante majorité des citoyens américains.
Pourtant, tout est parti des Etats-Unis il y a 137 ans jour pour jour. Le 1er mai 1886 Une grève fut lancée dans l’usine de matériel agricole ‘’McCormick Harvester’’. La date n’était pas été due au hasard. Le 1er mai à l’époque était le ‘’Moving Day’’, c’est-à-dire le jour où les contrats des ouvriers arrivaient à expiration. Chacun devait donc se mettre à chercher un nouveau travail.
Il faut rappeler tout d’abord que deux ans plus tôt, le 1er mai 1884, l’American Federation of Labor, groupant les principaux syndicats ouvriers des États-Unis, s’était donné deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures.
Le 1er mai 1886, nombre de travailleurs obtinrent satisfaction. Mais des centaines de milliers d’autres se voyaient refuser les huit heures de travail par des patrons récalcitrants. D’où le recours à la grève. Une grève qui tourna à l’affrontement entre grévistes d’une part et policiers et milices patronales armées d’autre part. Le sang coula. Plusieurs morts et des centaines de blessés.
Les meneurs sont arrêtés. Un procès fut organisé rapidement. Le 17 mai 1886, des condamnations à mort par pendaison et de lourdes peines de prison étaient prononcées.
Trois ans après le drame de Chicago, la IIe Internationale socialiste réunit à Paris son deuxième congrès et se donna pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé).
Après la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, fixa dans son article 247 « l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue ».
Peu à peu, les manifestations rituelles du 1er mai élargissaient le spectre de leurs revendications. Elles deviennent l’occasion de revendications de plus en plus diverses et de plus en plus nombreuses.
La Russie soviétique, sous l’autorité de Lénine, fut la première à décider dès 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Initiative peu à peu imitée par d’autres pays… L’Allemagne nazie allait encore plus loin : Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fit, dès 1933, du 1er mai une journée chômée et payée. La France l’imitera sous l’Occupation, en 1941.
En effet, c’est le régime de Vichy qui, en France, rendait officiellement férié le premier mai. Avec cette mesure, le Maréchal Pétain tentait d’obtenir le soutien des ouvriers. Le nouveau jour chômé, institué le 24 avril 1941, est nommé “Fête du Travail et de la Concorde sociale”.
Le monde continue de célébrer une fois par an la fête du travail. Une célébration qui, en dépit de son caractère universel, n’a pas réussi à améliorer sensiblement les conditions de vie des travailleurs, en particulier dans la moitié sud de la planète. Le capital continue de rafler la mise, jetant, hier comme aujourd’hui, des miettes aux travailleurs.