En cette veille du 1er mai, fête internationale du travail, j’ai estimé utile de réfléchir sur le rôle de l’UGTT dans notre pays. N’étant pas spécialiste d’un sujet aussi important, je vais me contenter d’identifier les évènements qui m’ont le plus marquée de la part de cette institution. Les événements durant lesquelles elle a joué un rôle central, parfois positif et parfois négatif. Puis je vais tenter d’en tirer des conclusions.
A titre personnel en tant que libérale, l’UGTT m’a toujours semblée comme un frein majeur à un développement plus efficace de notre pays. Mais depuis le 14 janvier 2011 j’avais commencé à l’observer et à l’évaluer différemment.
Cela me ramène à citer un ami très cher, Mr Noureddine Hached qui m’avait fait découvrir un historique particulier, que peu connaissent, concernant son illustre père feu Farhat Hached, qui a été le fondateur de l’UGTT mais aussi un des fondateur de l’UTICA.
Autrement dit, ce grand militant nationaliste, à qui je souhaite rendre hommage, en étant à l’origine de deux institutions nationales sensées être adverses, n’était point dans un esprit étriqué de communautarisme prolétaire mais dans un esprit d’intérêt national supérieur. Il appliquait une vision qui favorise dans son essence le partenariat et le dialogue entre ces deux forces, que lui, considérait comme étant complémentaires. Aussi, il avait prouvé par cette manière de faire, avoir un esprit moderniste qui avait compris la nécessité de s’organiser dans le cadre d’institutions bien règlementées pour participer le plus efficacement possible à la libération nationale tout en construisant un exemple de bonne gouvernance.
Cet esprit de partenariat fut l’esprit qui régna entre l’UGTT et le gouvernement au début de l’indépendance. Malheureusement, au fil du temps l’autoritarisme du pouvoir et l’absence d’une opposition efficace, transforma malgré elle l’UGTT en contre-pouvoir.
Il suffit de se remémorer les évènements sanglants du 26 janvier 1978.Au nom de l’intérêt des travailleurs l’UGTT se mobilisa contre la cherté de la vie .En effet, le rôle de tout syndicat est de défendre les droits de ses adhérents et leur pouvoir d’achat. Mais lorsqu’on se trouve sous dictature, aussi éclairée puisse-t-elle être, un appel à une grève générale est considéré comme un défi mais certainement pas comme un droit. L’ordre fut carrément donné de tirer sur les manifestants. Des centaines de personnes furent tuées et le Secrétaire Général de l’UGTT fut arrêté et emprisonné.
L’UGTT s’affaiblit et une longue période de trêve fut observée. Sauf que, désormais un esprit d’adversité envers le gouvernement s’était installé. Par conséquent, lorsque le FMI exige afin 1983 un plan d’austérité et que le gouvernement pris la décision de réduire les subventions sur les produits céréaliers, l’UGTT se mobilisa de nouveau et les émeutes du pain éclatèrent le 3 janvier 1984.Pour éviter de reproduire le massacre du 26 janvier et pour calmer les esprits, Bourguiba annula la décision. Néanmoins dans l’esprit de tout le monde l’UGTT était désormais devenue un contrepouvoir incontournable.
La situation économique continua de se dégrader et les Islamistes, dirigés par Ghannouchi, essayèrent d’en profiter, ce qui poussa Bourguiba à ordonner à son Premier Ministre Ben Ali la condamnation de ce dernier. Sauf que, Ben Ali jugea plus utile de destituer Bourguiba pour sénilité, ce qui lui permettait de se proclamer Président selon la constitution de l’époque.
Après une période de libertés politiques de trois années, Ben Ali qui ne savait gouverner que par la force du bâton, verrouilla de nouveau tout le système.
L’UGTT fut mise au pas sans aucun espoir de reproduire de nouvelles émeutes. Par ailleurs refusant toute négociation avec les islamistes qui bloquaient les universités, Ben Ali pris le soin de décapiter le mouvement islamiste en laissant Ghannouchi s’exiler à l’étranger tout en réprimant violement le reste des dirigeants ainsi que leurs bases.
Ce n’est qu’en 2008 que les protestations du bassin minier de Gafsa rallumèrent de nouveau la fibre vengeresse de l’UGTT. Suivis un peu plus tard par l’intention de Ben Ali de se représenter aux élections présidentielles alors que le nombre de la jeunesse au chômage ne cessait de croitre. Et enfin l’immolation de Bouazizi qui créa un mouvement de contestation général dans toute la République. L’UGTT organisa alors la grande manifestation du 12 janvier 2011à Sfax. Cette manifestation qui fut à l’origine de la mobilisation du 14 janvier 2011devant le Ministère de l’intérieur à Tunis, qui vint à bout de Ben Ali en provoquant sa fuite.
Les islamistes furent tous libérés des prisons et Ghannouchi leader d’Ennahdha, rentra en grande pompe dans son pays. Il avait devant lui une autoroute de libertés qui lui permit de gagner les élections et de devenir la première force politique du pays d’autant que le RCD fut dissout.
L’UGTT désormais trop politisée et revancharde joua un rôle très négatif. Entre grèves, exigences d’augmentation des salaires, création d’emplois fictifs soit par complicité soit par manquement à ses devoirs, blocage de la production de phosphate et blocage des pourparlers avec le FMI, elle participa largement à l’écroulement d’une économie fragilisée par le chaos politique ambiant. Mais le plus grave à mon sens, reste de continuer de prendre les élèves en otages en bloquant leurs notes.
Néanmoins, nous ne devons pas oublier que c’est l’UGTT qui nous a sorti d’une impasse politique sans précédent en 2013 lorsqu’elle parraina le Dialogue National entre les différentes parties adverses. Une initiative prise par l’UGTT accompagnée de l’UTICA, de l’Ordre National des Avocats et de la Ligue des Droits de l’Homme constituant ainsi la colonne vertébrale de la société civile tunisienne. Le dialogue fut couronné de succès, ce qui valut au Quartet le Prix Nobel de la Paix 2015. Un prix qui constitue une fierté inscrite dans l’Histoire de la Tunisie.
Finalement, lorsqu’on regarde de près, c’est toujours l’UGTT qui a fait la différence. J’en conclue, que sur le plan politique, l’UGTT a été de fait la marraine de notre transition démocratique.
Or, aujourd’hui la Tunisie continue sa marche vers la démocratie très péniblement certes, mais surement sans aucun doute, et ce, malgré les multiples soubresauts de parcours.
Péniblement, parce que la situation économique requiert ordre, discipline et éradication de la corruption. Cela crée fatalement des tensions sociales et politiques que le devoir patriotique nous interdit d’attiser.
Surement, parce que le peuple tunisien a clairement démontré qu’il ne reviendra jamais sur ses acquis dont le plus important reste sa liberté d’expression. Cette liberté qui doit néanmoins cesser d’être empreinte d’un esprit négatif et destructeur et s’atteler enfin à reconstruire afin d’avancer.
Quant à l’UGTT, maintenant qu’elle a eu sa revanche en jouant un rôle qui lui a été internationalement reconnu, elle se doit de se cantonner à son rôle syndical. Elle n’a plus aucune raison valable pour jouer un rôle politique quelconque qui la détourne de sa vocation première.
Elle se doit donc de redéfinir son rôle syndical, de remettre de l’ordre en son sein mais surtout de faire évoluer l’approche de ses adhérents, du statut de travailleurs assistés vers le statut de travailleurs productifs et responsables.
Au vu de notre situation économique et de la vitesse à laquelle le monde évolue, si l’UGTT nese remet pas rapidement en question, je pense qu’elle prend le risque de se faire neutraliser.
Dire que « Sauf que, Ben Ali jugea plus utile de destituer Bourguiba pour sénilité, ce qui lui permettait de se proclamer Président selon la constitution de l’époque » me paraît une appréciation hors circonstance . Les révélations des hauts dirigeants de l’époque ont prouve que la peine de mort contre Ghannouchi et disciples en 1987 a été éviter par Ben suite à des interventions extérieures vue la situation chaotique en Tunisie et ses conséquences probables sur la région à un moment où le pouvoir en Tunisie passe par l’une de ses pires crises