Etant un pays importateur des besoins de sa population de céréales, la Tunisie a bel et bien subi les répercussions de la guerre russo-ukrainienne. Une étude réalisée conjointement par l’ONU Habitat et l’UNECA pointe du doigt ses répercussions. Parmi les résultats de cette étude est que l’impact de cette guerre sur la Tunisie est estimé à une variation du taux de croissance de – 2,5% et de -2,2%, respectivement en 2022 et 2023, par rapport à une situation sans guerre.
D’ailleurs, cette étude a été au centre d’un atelier organisé aujourd’hui 4 mai à Tunis. Le bureau Maghreb de l’ONU Habitat et le bureau régional Afrique du nord de la CEA (UNECA) ont organisé l’atelier intitulé « Débusquer les effets de la guerre russo-ukrainienne : Comment anticiper et se préparer aux retombées de la guerre russo-ukrainienne sur la sécurité alimentaire en Tunisie ? ».
Situation critique pour la sécurité alimentaire, chiffres à l’appui
Les organisateurs de l’événement rappellent que « la Tunisie n’a jamais atteint son équilibre céréalier ». L’État a eu recours de façon continue aux importations pour satisfaire les besoins de sa population, alors que les prix mondiaux des céréales connaissent de fortes variations et un dinar tunisien qui enregistre une forte dépréciation par rapport au dollar américain passant de 1,438 (31/01/2011) à 3,2829 (10/11/2022).
Sur la période 2011-2022, la Tunisie a importé en moyenne annuelle 2,14 millions de tonnes de céréales pour une valeur moyenne de 1,37 millions de dinars par an. Selon l’ONAGRI, la Tunisie importe, en moyenne sur la période 2018- 2021, 93% de sa consommation en blé tendre, 67% en orge et 40% en blé dur, lit-on dans la note conceptuelle de l’événement.
Au cours de son intervention, l’auteur de l’étude l’économiste Mohamed Haddar a rappelé que la Tunisie a importé en moyenne, sur la période 2018-2021, 93% de sa consommation de blé tendre, 67% d’orge et 40% de blé dur. Plus de la moitié de ses importations de céréales dépendent de la Russie et de l’Ukraine. Pour lui, le problème ne se pose pas uniquement au niveau de la dépendance et l’absence de l’autosuffisance. Il s’agit également de subir les chocs des prix en devis et de la dépréciation du dinar. Dans le même sillage, l’intervenant rappelle que la hausse prix des engrais et de l’énergie ont engendré l’explosion des dépenses de subventions ainsi qu’une hausse du déficit budgétaire. A cela s’ajoute la révision à la baisse des montants alloués à l’éducation et à l’investissement public.
Impact sur les ménages : alerte !
Grace à une simulation qu’il a fait, l’auteur de l’étude affirme que la crise n’a épargné ni homme ni femme. Cependant, la même source affirme qu’il est possible de parler de gagnant et de perdant suite à la répercussion de la guerre. Les «gagnants » sont les patrons des petits métiers dans l’industrie qui verrait leur bien-être augmenter d’environ 16% en 2022 et de plus de 18% en 2023, ainsi que les cadres supérieurs qui connaîtraient une amélioration de leur bien-être d’environ 0,6% en 2022 et 0,4% en 2023 ». Cependant, la liste des perdants est bel et bien longue, estime l’économiste. En tête de liste figurent les ouvriers agricoles. «La perte de leur bien-être serait de plus de 13% en 2022 et de plus de 16% en 2023 ».
La situation n’est pas la même pour les cadres moyens car ils subiraient une baisse de leur bien-être de 4%. Les chômeurs perdraient 3 à 4% de leur bien-être. Les retraités perdraient près de 2%, les exploitants agricoles subiraient une perte d’environ 2% en 2022 et de 4% en 2023. Les autres inactifs perdraient près de 0,3% de leur bien-être (900 mille travailleurs occupent des emplois informels en 2020).
Trois scénarios pour réformer la subvention
L’étude prévoit trois scénarios pour la réforme de la subvention. Les trois scénarios s’articulent autour d’une seule hypothèse à savoir la suppression graduelle sur 5 ans, à raison de 20% chaque année à partir de l’année 2023. En 2027, l’État n’accorde plus de la subvention. Dans le premier scénario : l’État consacre 70 % du montant de la subvention à des transferts sociaux et 30 % seront affectés au budget pour réduire le déficit budgétaire et donc l’endettement. Dans le scénario 2, l’Etat accorde 30% du montant de la subvention à des transferts sociaux , 40 % aux investissement publics et 30 % au budget. Et quant au scénario 3 , 30 % du montant de la subvention à des transferts sociaux , 40 % aux investissement publics. et les 30 % restants seront affectés à l’appui aux producteurs agricoles.
Zoom sur un échantillon
Des entretiens réalisée avec des familles habitant à la Médina de Tunis et à Bhar Lazreg ont montré qu’ils se sont plaints sans exception de la hausse des prix de tous les produits surtout le prix de la bouteille de Gaz liquéfié (butane). Selon les témoignages, il leur arrive, faute de trouver du gaz, de passer par le marché parallèle et de payer un prix supérieur. Les interrogés ont pointé di doigt des pénuries des plusieurs produits : le sucre et l’huile végétale, etc.
Une réforme de 4 axes pour faire face à la crise
Mohamed Haddad propose un plan de réforme de quatre axes.
La maîtrise de l’inflation
Pour le faire, l’intervenant plaide pour l’amélioration du climat des affaires. Et ce à travers la suppressions des autorisation et de simplification des procédures fiscales. Cela est en mesure de relancer la croissance et relancer les exportations. Cela permettra, également, de réduire le déficit de la balance commerciale. Rappelant que la masse salariales de la fonction publique a triplé, il recommande d’indexer les salaire à la productivité.
La mise en place d’une nouvelle politique céréalière participative
Dans ce cadre, l’économiste, propose de :
-Revoir la gouvernance de la filière céréalière dans une approche participative ;
-Soutenir les producteurs agricoles ;
-Réhabiliter la Petite Exploitation céréalière (PEC) compte tenu de son rôle économique, social et environnemental ;
– Réduire la dépendance du pays en blé tendre de 93% à 40% d’ici 2030 ;
-Réviser les mécanismes de fixation des prix des céréales et des autres produits alimentaires ;
-Et développer la recherche et l’innovation.
De la nécessité de garantir une sécurité énergétique maitrisée
Il est ainsi important de réduire le taux de dépendance énergétique du pays à 35% en 2035. Cela est réalisable à travers la demande au niveau de tous les secteurs d’activité . L’intervenant recommande la suppression progressive de la subvention énergétique. D’ailleurs, il propose la mise en valeur de toutes les ressources naturelles du pays en mettant en valeur toutes les ressources naturelles du pays et en encourageant des investissements privés conséquents.
Il recommande, également, d’anticiper les changements et les mutations dans la région et dans le monde et de relancer l’investissement étranger.
Revoir le système de subvention.
Sur ce volet, l’économiste recommande la mise en place des programme pour aider les entreprises et les ménages à investir dans l’efficacité énergétique et l’autoproduction dans l’efficacité énergétique