Quatre morts : deux agents de la Garde nationale et deux fidèles de la synagogue de la Ghriba ainsi que plusieurs blessés. Tel est le bilan de l’attaque sanglante perpétrée dans la soirée du mardi 9 mai 2023 alors que le pèlerinage au lieu de culte juif, le plus ancien d’Afrique, touchait à sa fin. Un coup dur pour l’image de notre pays au moment même où les perspectives d’une bonne saison touristique étaient prometteuses.
Attaque terroriste dûment planifiée ou acte isolé d’un forcené ? Alors que le pèlerinage de la Ghriba, la plus ancienne synagogue juive en Afrique, touchait à sa fin. Et au moment où le pèlerinage annuel à l’occasion de la fête juive de Lag Ba’omer, rassemblant plusieurs milliers de pèlerins, battait son plein, la fête fut gâchée par une attaque sanglante ayant fait quatre morts à Djerba : deux agents de la Garde nationale et deux fidèles, un Tunisien et un Français.
Organisé au 33e jour de la Pâque juive, le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive qui viennent aussi traditionnellement de pays européens, des États-Unis ou encore d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat de 2002.
Pour rappel, ce lieu de culte hautement symbolique avait déjà été visée en 2002 par un attentat suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts.
Une attaque meurtrière
Dans un premier temps, des informations non confirmées bruissaient sur des tirs près de la synagogue de la Ghriba ayant provoqué un mouvement de panique parmi les centaines de fidèles participant au pèlerinage juif annuel après le meurtre d’un policier dans des circonstances non élucidées. Et ce, avant que la version officielle confirme « qu’un agent de la Garde nationale affecté au Poste maritime d’Aghir Djerba avait été tué par son collègue qui s’est emparé de son arme et de ses munitions ».
Par la suite, « l’auteur de l’attaque a essayé de s’approcher des alentours de la synagogue de la Ghriba. Il a tiré des coups de feu aléatoires vers les unités sécuritaires installées sur les lieux. Toutefois, les unités sécuritaires déployées l’ont empêché d’y parvenir et l’ont éliminé ».
Selon le communiqué publié tard dans la soirée du mardi 9 mi 2023, « l’opération s’est soldée par la blessure de six agents de l’ordre, des lésions plus ou moins graves. L’un de ces agents est décédé des suites de sa blessure. De même, deux visiteurs ont été tués et quatre blessés transférés à l’hôpital pour recevoir les soins nécessaires.
«Le temple a été sécurisé et encerclé, les visiteurs ont été mis en sécurité et les investigations se poursuivent pour élucider les motifs de cette agression lâche», a ajouté le communiqué, se gardant toutefois à ce stade d’évoquer une attaque terroriste.
Pour sa part, le ministère tunisien des Affaires étrangères vient de préciser dans un communiqué que les deux morts étaient «un Tunisien âgé de 30 ans et un Français de 42 ans», sans en fournir les identités. À la suite de l’attaque, l’ambassade de France à Tunis a annoncé avoir ouvert « une cellule de crise et mis en place un numéro d’urgence ».
Pour rappel, selon les organisateurs, dont René Trabelsi, l’ancien ministre du Tourisme, plus de 5.000 pèlerins juifs, essentiellement venus de l’étranger, ont participé cette année au pèlerinage de la Ghriba. Sachant que le pèlerinage à ce haut lieu du culte juif a repris l’année dernière après deux ans d’interruption en raison de l’épidémie de Covid-19.
Coup de massue
De l’avis général, cette attaque sanglante survient au moment où le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie après un net ralentissement pendant la pandémie. Selon Hichem Mahouachi, commissaire régional du tourisme à Médenine, cité dans un article paru hier mardi sur les colonnes de l’Economiste Maghrébin, 213 000 arrivées à la zone Djerba-Zarzis ont été enregistrées du 1er janvier au 20 avril. Et ce, avec une hausse d’environ 42% par rapport à la même période de l’année dernière et une baisse de 16% par rapport à la même période de 2019.
De plus, 916 000 nuitées ont été enregistrées dans cette zone, soit l’équivalent du tiers du niveau enregistré au plan national et -19% par rapport au nombre de nuitées enregistrées en 2019.
Pour rappel, après plusieurs années de dégradation en raison de l’instabilité qui a suivi la révolution en 2011, ce secteur clef de l’économie tunisienne avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de Sousse dont le bilan s’était élevé à 60 morts, dont 59 touristes étrangers.
Un coup de massue qui arrive au pire moment, alors que la Tunisie traverse la pire crise économique et financière depuis l’Indépendance.