Un chiffre a circulé depuis hier concernant la commission moyenne par compte bancaire en Tunisie, et qui s’est élevée à 83,4 TND. Selon nos propres calculs, c’est une estimation erronée de ces commissions.
Le fait que les banques facturent trop leurs services est une évidence. Ces établissements ne sont pas des associations à but non lucratif. Elles affrontent l’inflation des coûts par le seul élément de leurs PNB sur lequel elles peuvent agir rapidement : les commissions.
Les vrais chiffres
En attendant que l’ensemble des banques publient leurs états financiers pour avoir une image complète, nous allons nous limiter aux douze établissements cotés sur la Bourse de Tunis. Nous attirons l’attention des lecteurs sur le fait que la BNA n’a pas encore affiché ses comptes. Nous allons utiliser les chiffres relatifs à l’exercice 2022 et disponibles dans ses derniers indicateurs d’activité.
En 2022, les commissions en produits ont totalisé 1 379 MTND, en hausse de 6,2 % en rythme annuel. Elles représentent 12,8 % des revenus d’exploitation bancaire fin 2022, contre 13,7 % fin 2021.
En net, les commissions ont atteint 1 272 MTND, en progression annuelle de 4,7 %. Cette hausse, moins importante que les commissions brutes, traduit le fait que les banques paient également plus leurs prestataires de services, à 106,624 MTND. Leur contribution au PNB global s’est élevée à 20,5 %, une baisse de 135 points de base par rapport à 2021. Un recul qui reflète que les établissements de crédits ont trouvé un autre relais de croissance cette année, à savoir les revenus des portefeuilles, qui pèsent désormais 29,9 % du PNB.
D’où viennent ces commissions ?
Ce volume ne provient pas seulement des frais de tenue de compte et des frais sur les virements de salaires. Il y a en tout sept sources de commissions, bien définies par la circulaire de la BCT aux banques n°91-22 du 17 décembre 1991. On constate que les commissions proviennent de deux grandes familles :
– Les opérations sur effets, chèques et opérations diverses (y compris les cartes, les virements, les opérations sur titres, le découvert et le factoring).
– Et les opérations de change et de commerce extérieur (ouverture de lettre de change, les crédits documentaires, les lettres de garanties, la mise en place de montage de financement, etc.).
Les commissions ne sont donc pas toutes générées par les comptes, qu’ils soient courants ou d’épargne, ou par les clients de la banque.
Estimer les frais par compte n’est donc pas tout à fait correct; bien que le chiffre nous donne idée sur la capacité des banques à tirer profit de ces comptes.
Nous allons baser cette estimation sur le nombre de comptes bancaires 2021, publié dans le rapport annuel sur la supervision bancaire 2021, soit 9,798 millions de comptes. En supposant que ce chiffre soit resté stable en 2022, cela nous donne une moyenne annuelle de 140,771 TND par compte (132,479 TND en 2021). Mensuellement, chaque compte draine une moyenne de 11,730 TND, une valeur proche de la réalité.
Un dérapage ou une évolution normale?
La vérité est qu’il faut se baser sur le nombre de transactions plutôt que sur le nombre de comptes. Malheureusement, nous ne disposons pas du nombre exact des différents types d’opérations bancaires pour ces douze banques. A titre de rappel, en 2022, la Tunisie a enregistré 32,40 millions virements, 6,19 millions prélèvements, 23,31 millions de chèques, 1,72 million de lettres de change; ainsi que 12,5 millions de e-paiement et 89,78 millions d’opérations de retrait d’argent d’un DAB. Il y a également 6,5 millions de cartes bancaires en circulation et 197 108 wallets. Sur la base du volume global des transactions, nous obtenons une moyenne de 1,342 TND par opération.
Ces chiffres traduisent essentiellement le manque de concurrence au sein du secteur. Le nombre croissant de commissions prélevées sur les services rendus et les tarifs pratiqués permettent aux banques de s’enrichir plus facilement et de stabiliser leurs PNB. Le contexte haussier des taux ne va pas durer jusqu’à l’infini et la marge d’intérêt peut décélérer. En même temps, les provisions risquent de se gonfler avec la dégradation de la qualité des actifs.
Seule une vraie concurrence permettra de mettre sous pression ces tarifs. En observant le paysage actuel, c’est loin d’être gagné. Même la Poste, confrontée elle aussi à la hausse des coûts, a récemment révisé ses tarifs à la hausse. Les banques en ligne restent peu compétitives car le Tunisien ouvre un compte bancaire pour un seul objectif : accéder à des ressources, qu’elles prennent la forme de découvert ou de crédits. Les banques, qui ont bien compris cela, facturent donc ce besoin. In fine, c’est une question d’offre et de demande.