Le 32ème Sommet de la Ligue arabe qui s’est ouvert vendredi 19 mai à Djeddah a été marqué par le retour de la Syrie de Bachar al-Assad au bercail ; ainsi que par l’invitation surprise du président ukrainien, Volodymyr Zelensky à l’ouverture des travaux de l’organisation panarabe. Sans oublier l’absence très remarquée du président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Humeur passagère entre Alger et Ryadh ou prémices d’une rivalité croissante entre les deux poids lourds régionaux pour le leadership du monde arabe?
Le dernier Sommet de la Ligue arabe un non-événement comme à l’accoutumée? A savoir que les médias occidentaux n’ont retenu du 32ème sommet de l’organisation panarabe à Djeddah en Arabie saoudite que deux faits majeurs : le retour dans le giron de la Ligue arabe de la Syrie de Bachar al-Assad; et l’invitation surprise du président ukrainien Volodymyr Zelensky aux travaux du sommet.
Curieusement, ces mêmes médias à la recherche du scoop et du sensationnel sont passés à côté d’un fait non moins important. A savoir, l’absence de deux têtes couronnées : le roi Mohamed VI du Maroc et le président des Emirats Mohamed. Et surtout celle du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Lequel a chargé son Premier ministre de le représenter à Djeddah.
Une absence fort remarquée
Si nous ignorons pour le moment les causes réelles du désistement du président émirati Mohamed Ben Zayed, grand allié de l’homme fort de Ryadh; nous savons par contre que le souverain chérifien s’est absenté notamment pour cause de maladie. Mais, c’est la défection inattendue du président algérien, en tant que président sortant du Sommet de la Ligue arabe, qui saute aux yeux. Peut-elle s’expliquer en partie par le principe de réciprocité si cher à la diplomatie algérienne?
Le courroux d’Alger
Sans doute. En effet, il est utile de rappeler à ce propos que ni le roi de l’Arabie, Salmane ben Abdelaziz, ni son fils, Mohamed Ben Salmane (MBS), n’ont jugé utile de faire le déplacement à Alger, en novembre dernier. Ils déléguèrent pour l’occasion leur ministre des Affaires étrangères à la 31ème réunion ordinaire de la Ligue arabe.
Selon les observateurs, si l’absence du roi Salman pouvait s’expliquer par son âge avancé, rien n’aurait empêché par contre le prince héritier, qui était de surcroit formellement invité par une lettre remise en main propre par un envoyé spécial de Tebboune, de faire le déplacement d’Alger.
MBS avait invoqué, dans un communiqué officiel, une otite à l’oreille qui l’empêchait de prendre l’avion. Ce qui ne l’empêcha pas de se rendre quelques jours plus tard en Asie. Un motif qui n’a convaincu personne, surtout l’altière Algérie, très à cheval sur la courtoisie et les codes diplomatiques, notamment entre pays frères.
De plus, le locataire du palais d’Al Mouradia qui devait comme le veut la tradition protocolaire prendre la parole en tant que président sortant du Sommet de la Ligue arabe, au même titre que le secrétaire général de l’organisation panarabe, semble ne pas apprécier l’initiative des Saoudiens de ne pas associer son pays à la préparation du sommet de Djeddah. Puisque l’Arabie saoudite organisait, il y a un mois, des réunions de haut niveau, l’une à Djeddah et l’autre à Amman, pour discuter du retour de la Syrie au bercail, sans y inviter l’Algérie.
Une affaire de leadership
A savoir que l’Arabie saoudite, désireuse de renforcer son leadership dans la région a validé le retour de la Syrie à la Ligue arabe après 12 ans d’absence. En profitant du travail diplomatique effectué par l’Algérie pour la réintégration de ce pays au sein de l’organisation panarabe. Un oubli de mauvais goût qui aurait incité Alger à zapper le Sommet de Djeddah?
Enfin, une autre explication à la défection de l’Algérie, et non des moindres : la présence du président ukrainien Volodymyr Zelenski, qui aurait reçu l’invitation du roi Salmane. Alors que la Ligue arabe observe officiellement la neutralité dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Invité surprise au Sommet, le président ukrainien a appelé les dirigeants de la région à « jeter un regard honnête » sur la guerre dans son pays. Assurant, non sans arrogance que, « malheureusement, certains pays dans le monde et ici, parmi vous, ferment les yeux sur ces prisons et annexions illégales ».
A savoir que Ryad, qui affiche une position relativement neutre sur le conflit, jouant en septembre un rôle inattendu de médiateur dans un échange de prisonniers entre Moscou et Kiev, coordonne en même temps sa politique pétrolière avec la Russie. Tout en maintenant des liens étroits avec les Etats-Unis, son partenaire de longue date en matière de sécurité. Un jeu périlleux d’équilibriste!
En revanche, la Syrie de Bachar al-Assad, fidèle alliée de Moscou, est l’un des cinq pays à avoir voté contre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandant à la Russie de cesser les hostilités en Ukraine.
Or, aux yeux d’Alger, le fait que le prince héritier Mohammed Ben Salmane ait vraisemblablement pris seul cette initiative d’inviter le président ukrainien au Sommet de Djeddah pour « rentrer dans les faveurs des Occidentaux » qui soutiennent militairement et financièrement l’Ukraine contre la Russie, risque d’être interprétée comme un basculement de la Ligue arabe dans le camp occidental au détriment de la Russie.
Et ce, d’autant plus qu’Alger, dont le non-alignement est l’un des principes fondateurs de sa politique étrangère depuis l’indépendance, ne veut surtout pas froisser la Russie qui est son premier fournisseur en armement. Alors même qu’elle frappe à la porte des BRICS dont Moscou avec le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, composent l’ossature.