Pour réussir à traduire en français un roman majeur de Béchir Khraief, Barg Ellil, il faut du courage, de la volonté, de la persévérance et par dessus tout le talent de Samia Kassab-Charfi.
Samia KASSAB-CHARFI est professeure de littératures françaises et francophones à l’Université de Tunis. Auteure de plusieurs essais, elle a notamment publié en 2019 avec Adel Khedher « Un Siècle de Littérature en Tunisie (1900-2017) » chez Honoré Champion. A travers son premier roman historique, Samai Kassab-Charfi met l’accent sur la littérature tunisienne.
Notons que Béchir KHRAÏEF (1917-1983) est un romancier et nouvelliste célèbre pour ses scènes de la vie quotidienne dans les quartiers populaires et ses portraits de marginaux dans la société tunisienne. Ironiste et très fin observateur des inégalités et conformismes sociaux, il est l’auteur de
« Eddegla Fi’arâjinha », « Mechmoum el fell », et bien d’autres récits où triomphent l’intelligence et l’art de la ruse.
Par ailleurs, « premier roman historique de la littérature tunisienne », comme le souligne Fawzi Zmerli, l’œuvre est aussi immense que son auteur. « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue » écrit Marcel Proust dans Le Temps retrouvé. Si vous recherchez dans la littérature tunisienne un conte qui illustre magistralement cet aphorisme, c’est Barg Ellil qu’il vous faut lire. Roman où le rire se mêle aux larmes, l’amour à la guerre, la violence à l’émotion, où l’ingéniosité créatrice finit par triompher de l’adversité, Barg Ellil est l’histoire d’un esclave noir arrivé à Tunis au début du XVIe siècle.
En somme, ce héros facétieux et espiègle, porteur d’une profonde humanité, assiste à l’invasion de la ville par l’armada de Charles Quint, participe aux combats et inverse le cours de sa destinée. Apprenti alchimiste, il se découvre musicien et danseur ; marginal dans une société de privilèges, voilà que le hasard le jette dans les bras d’une femme qui ne lui est pas destinée et à laquelle il devra d’advenir à l’âge d’homme. Roman d’amour et de conquête de la liberté, parabole sur la puissance résiliente de l’art, Barg Ellil est à savourer comme le conte philosophique le plus réussi de l’immense écrivain Béchir Khraïef.