Lueur d’espoir : le président de la République Kaïs Saïed a reçu le 23 mai 2023 la ministre de la Justice Leila Jafel au palais de Carthage. Lors de cet entretien, la discussion a porté sur le projet de loi relatif à l’article 411 du code du commerce.
Le président de la République plaide, selon un communiqué rendu public par la page Facebook de la présidence de la République pour un équilibre entre préserver les droits des plaignants d’une part et éviter la peine carcérale de l’émetteur du chèque. Il estime à cet égard que l’esprit de cet article ne garantit pas la restitution de l’argent du plaignant. De même que la peine carcérale ne permet pas à l’accusé d’œuvrer à rembourser l’argent.
Ainsi : « Est puni d’un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d’une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision à condition qu’elle ne soit pas inférieure à vingt pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision, celui qui a soit émis un chèque sans provision préalable et disponible ou dont la provision est inférieure au montant du chèque, soit retiré après l’émission du chèque tout ou une partie de la provision, soit fait opposition auprès du tiré de le payer en dehors des cas prévus à l’article 374 du présent code du Commerce ». Il s’agit bel et bien du contenu de l’article 114 du code du commerce. Inutile de dire qu’il s’agit d’une peine lourde.
D’ailleurs, deux éléments font le malheur des PME : le premier est cet article qui tombe, malheureusement, comme un couperet sur la tête de plusieurs chefs d’entreprises. Le deuxième élément n’est autre que la conjoncture économique critique et la difficulté d’accès au financement bancaire dont les conditions sont inaccessibles à de nombreuses PME. On ouvrira une parenthèse pour évoquer, dans le même sillage, la difficulté d’accéder aux financements bancaires. Laquelle a contribué à l’émergence d’un phénomène dangereux, à savoir les usuriers. En effet ces derniers se prêtent à cet exercice : prêter des sommes voire même astronomiques cautionnées par des chèques à un taux plus excessif que celui de la banque. Ainsi, l’économie informelle s’est emparée de l’accès au financement dans une transgression flagrante de la loi.
Pourquoi un jeune chef d’entreprise recourt-il aux chèques parfois et/ou souvent sans provision en attendant d’alimenter le compte bancaire d’une entreprise en crise : l’ambition, la volonté de voir les activités de son PME prendre de l’ampleur, contribuer à l’économie nationale, créer encore des poste d’emploi, voire exporter ses produits ou son expertise. Hélas, c’était trop beau pour être vrai… Les fournisseurs versent les chèques à la date convenue et il s’avère que le compte est débiteur. Le feuilleton des procédures administratives avec la banque commence puis les poursuites judiciaires commencent. Et le chef d’entreprise passe de respectable et respectueux à un délinquant, prisonnier en compagnie de bandits, criminels dans les mêmes cellules. Quelles déchéance et descente en enfer. La famille, amis et associé tentent de rembourser les chèques dans le mesure du possible. Mais force est de constater que ce n’est pas toujours évident : chaque chèque sans provision vaut cinq ans de prison.
Les chefs d’entreprise ont crié sur tous les toits, à maintes reprises à travers leurs représentants, la nécessité d’amender cette loi dont le plus célèbre n’est utre que Chaker Mechrgui président de la Fédération tunisienne des artisans et des PME (Ftapme). Ce dernier, lors d’une intervention sur les ondes de la Radio nationale au mois de février 2022 affirme qu’environ 10 000 Tunisiens poursuivis judiciairement ont quitté le pays. Et ce, essentiellement à cause d’affaires liées à des chèques sans provision. Dans le même cadre, il estime que durant la période 2020-2021, plus de 300 mille procès-verbaux de protêt de non-paiement ont été enregistrés.
En outre, 173 074 affaires relatives aux chèques sans provision ont été enregistrées en 2016/2017. Ce nombre a augmenté de 12 % en 2017/2018 et a atteint 193 894 affaires (20 820 affaires de plus). Concernant 2018/2019, le nombre des affaires est de 190 889.