Aux grands, la nation dans ce qu’elle a de plus représentatif et précieux est reconnaissante. Vendredi 19 mai, le cœur de la Faculté des sciences économiques et de gestion s’est de nouveau mis à battre, en hommage au doyen et professeur émérite Chedly Ayari, décédé il y a deux ans, emporté par le Covid-19 à l’âge de 88 ans.
Ils étaient tous là, deux générations d’économistes, d’enseignants universitaires, ses anciens élèves et ses disciples avant d’être ses frères d’armes. Ils lui ont rendu, en présence de sa famille, un vibrant hommage, à la mesure de ce qu’il fut, un véritable monument de connaissance et d’humilité qui vient d’intégrer le panthéon national.
Tout a commencé il y a plus de 60 ans, ici même dans cette enceinte, dans ce sanctuaire universitaire qui venait de voir le jour. Qu’il a lui-même créé et dont il a présidé pendant plusieurs années la destinée. Au fil des ans, il a fait émerger à force de conviction et avec si peu de moyens, toute une école de pensée, au rayonnement régional : l’école de Tunis, dont il fut sans conteste le maître.
Avant d’entamer un périple, une immersion au plus profond des responsabilités gouvernementales au sein de ministères de tout premier plan, de chancelleries et d’institutions à vocation planétaire. Ce qui lui a valu, où qu’il soit, aux plus hauts niveaux de responsabilités, respect, distinction et considération. Un parcours impressionnant, où l’on retrouve le même fil conducteur, où se mêlent réflexion, action et besoin de servir. Un itinéraire, l’expérience de toute une vie qu’il consigna dans un ouvrage qui vient de paraître à titre posthume : « Carnet de route d’un artisan de la Tunisie du XXe siècle », paru aux Éditions Leaders. Un artisan qui n’en est pas moins architecte.
Il a fait émerger à force de conviction et avec si peu de moyens, toute une école de pensée, au rayonnement régional : l’école de Tunis, dont il fut sans conteste le maître.
L’ouvrage a été le point focal et certains de ses aspects ont été largement commentés. Les orateurs, pour brillants qu’ils soient, ne peuvent décrire que ce qu’ils savent du défunt à travers leur proximité intellectuelle ou professionnelle, forcément limitée, au regard d’un parcours, souvent escarpé, de plus de 60 ans.
On n’oubliera pas de sitôt le témoignage poignant de son épouse Eliane Ayari, de son fils Mehdi et de sa fille Aïcha. Une bouffée d’espoir par ces temps de grisaille. Chedly Ayari nous a de nouveau paru tel qu’en lui-même.
Qu’ai-je à dire de plus que ce qui a été dit en hommage au grand homme que fut le « Professeur », sinon qu’il nous manque, qu’il me manque cruellement.
Sa seule présence parmi nous, même en retrait des énormes responsabilités qui furent les siennes, nous rassurait. Son poids académique, ses capacités intellectuelles, sa force morale et son rayonnement dans le monde nous procuraient une réelle assurance contre toute forme de dérives économique et financière, et même de déviances politiques.
Puisse, aujourd’hui et demain, son seul souvenir réveiller et réanimer à chaque instant la flamme qu’il avait fait naître en nous tout au long de son impressionnant parcours, au seul but d’oser l’impensable. Pour que, selon sa propre formule, tout devienne possible dans ce pays qu’il a tant aimé et servi du mieux qu’il le pouvait, autant dire de la meilleure des façons.
Paix à son âme.