Le libre-échange, qui a dominé le paysage de l’économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale, a rarement laissé la place au protectionnisme qui surgissait, le plus souvent, au lendemain des crises ou des chocs menaçant la sécurité nationale.
Toutefois, les grands bouleversements qui se sont succédé depuis une quinzaine d’années (crise financière, crise de la dette souveraine, Covid-19, conflit Ukraine-Russie, risques climatiques) ont redonné de l’appétit aux grandes économies mondiales pour choisir la stratégie du chacun pour soi face à des dangers communs.
Dans cet ordre d’idées qu’en 2015, la Chine lança son programme « Made in China 2025 » pour devenir leader mondial dans l’énergie propre et les secteurs de haute technologie. La riposte américaine s’est d’abord affichée avec « Make America Great Again » de Donald Trump en 2018, devenue plus agressive avec l’« Inflation Reduction Act » (IRA) lancé par l’administration Biden depuis août 2022. L’IRA est un méga-programme de soutien aux industries engagées dans la transition énergétique.
Des subventions ont été programmées comme celle de 7 500 dollars ($) pour l’achat d’une voiture électrique fabriquée aux Etats-Unis et une enveloppe de plus de 280 milliards de dollars pour se libérer de la dépendance de l’industrie asiatique des microprocesseurs, avec la mise en place de l’« US Chips and Science Act ».
Face à ce bras de fer sino-américain, la contre-offensive européenne ne tarda pas. En effet, la Commission européenne a lancé, en février 2023, le « Green Deal Industrial Plan » qui vise à soutenir l’industrie européenne dans sa transition vers la neutralité climatique. De même avec son « Europeen Chips Act » conclu en avril 2023, l’Union européenne cherche à assurer sa compétitivité et sa résilience dans le secteur stratégique des semi-conducteurs.
La montée du protectionnisme géopolitique et l’urgence climatique ont mis fin au mythe du multilatéralisme assurant le gain pour tous. De petites économies ouvertes comme la Tunisie ne doivent pas attendre la fin du match. Tôt ou tard, elles seront amenées à abandonner des modèles à bout de souffle, reposant sur des exportations à faible valeur ajoutée. L’heure est à la diversification innovante, à la forte composante technologique et à la neutralité climatique.
Par Lamia Jaidane-Mazigh
Cet article a été publié à l’Economiste Maghrébin n°870 du 24 mai au 7 juin 2023