La Tunisie est confrontée à des défis majeurs, en particulier sur le plan économique. De ce fait, la mise en place des réformes économiques est d’autant plus importante et son report ne ferait qu’augmenter les coûts et les difficultés.
Elyes Kasri, analyste politique et ancien ambassadeur, relève via son post que « dans un monde en pleine effervescence, il est consternant de voir le nombre d’analystes autoproclamés stratégiques ou, pour les moins modestes géostratégiques, qui n’ont pour qualification qu’une connaissance livresque basée sur des théories, analyses et notions d’une époque dépassée par les événements. En plus d’anciens diplomates à la carrière plutôt limitée en expérience régionale et en postes de responsabilité à l’administration centrale et à l’étranger ». Puis, il souligne que les erreurs politico-économiques et une mauvaise gouvernance ont entrainé la Tunisie au bord de la faillite, reliant sa survie à la générosité étrangère.
Et de préciser : « Le ton, assez souvent péremptoire et des fois de courtisan du pouvoir, tend à exacerber la confusion et l’angoisse que ressent le Tunisien moyen face à des changements tectoniques et des bouleversements qui interpellent la Tunisie tant en raison de son ouverture naturelle et historique sur le monde extérieur que de sa dépendance vis à vis de l’étranger, exacerbée depuis 2011 par sa perception interne et externe comme le berceau du printemps arabe et dépositaire des “espoirs démocratiques”, de même que de la générosité de parties extérieures plus ou moins désintéressées. Le délire politico-économique et la gouvernance calamiteuse générés par l’euphorie révolutionnaire et l’illusion d’une exception tunisienne, ont fait de la Tunisie un état au bord de la faillite dont la survie dépend désormais de la générosité étrangère. »
Elyes Kasri : « Chaque époque a ses empires, ses maîtres et ses vassaux »
Par ailleurs, l’analyste politique soutient qu’il est essentiel de garder la tête froide et de placer les intérêts de la Tunisie au-dessus des idéaux anti-impérialistes et des allégeances à un camp particulier. Il rappelle l’approche pragmatique adoptée par la Tunisie à l’époque de Bourguiba, qui lui a permis de maintenir de bonnes relations et une coopération internationale en fonction de sa situation, de ses principes et de ses intérêts nationaux.
Il précise à cet effet : « Chaque époque a ses empires, ses maîtres et ses vassaux. L’intelligence bourguibienne a été de ne pas attendre la libération de la Palestine ou de s’aligner par dépit sur les forces de l’axe, en pleine ascension à l’époque, et de ne pas s’aliéner ultérieurement l’URSS et le bloc de l’Est. Membre actif du mouvement non aligné, la Tunisie avait su gérer ses relations et sa coopération internationales comme le lui dictaient sa situation objective, ses principes et intérêts nationaux. Les experts autoproclamés en géostratégie seraient bien inspirés de garder à l’esprit les principes que dictent les contraintes objectives et les intérêts de la Tunisie. »
Et de conclure : « A travers son histoire, la Tunisie a été beaucoup plus qu’elle n’est actuellement. Elle doit reprendre intelligemment et rationnellement sa stature et son rôle dans sa région maghrébine, dans le bassin méditerranéen, en Afrique et dans le monde arabe. La reprise du positionnement historique de la Tunisie est aussi importante et vitale que les réformes économiques dont le report n’en fera qu’accentuer le coût et la pénibilité. »