Depuis le coup de froid entre Alger et Madrid en juin 2022 à la suite du revirement de l’Espagne sur le Sahara occidental, tous les échanges commerciaux entre les deux pays ont pratiquement cessé, à l’exception du gaz et du pétrole. Une facture salée qui se traduit par une baisse de plus de 80 % des exportations espagnoles vers l’Algérie.
Madrid ne finit pas de s’en mordre les doigts. Manifestement, l’Algérie persiste à lui faire payer très cher son alignement sur le Maroc depuis qu’elle a eu la malencontreuse idée de mettre fin à sa neutralité historique sur l’épineux dossier du Sahara occidental. Un différend territorial à l’origine de La guerre des Sables en octobre 1963 entre les deux frères ennemis.
« Trahison historique »
Ainsi, en représailles à l’attitude de Madrid qualifiée de « trahison historique », Alger a suspendu unilatéralement le 8 juin 2022 le traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération avec l’Espagne, conclu en 2002. De même qu’elle a retiré son ambassadeur à Madrid. Avant de mettre pratiquement un terme à tous les échanges commerciaux entre les deux pays, à l’exception du gaz et du pétrole.
En effet, estimant que la nouvelle position des autorités espagnoles était en «violation de leurs obligations juridique, morale et politique», l’Algérie « a décidé de procéder à la suspension immédiate du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qu’elle a conclu avec le royaume d’Espagne et qui encadrait le développement des relations entre les deux pays ». Ainsi indiquait à l’époque la présidence algérienne.
Revirement spectaculaire
Faut-il rappeler que les deux capitales entretenaient de bonnes relations commerciales et diplomatiques avant que le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, reniant la neutralité historique de son pays, apporta, à la surprise générale, son soutien au plan marocain d’autonomie du Sahara Occidental. Et ce, en considérant dans une lettre au souverain du Maroc, Mohammed VI, que la proposition marocaine d’autonomie, qui date de 2007, « est la base la plus sérieuse, crédible et réaliste pour la résolution du contentieux sahraoui ». Attirant ainsi les foudres d’Alger.
A en croire la presse espagnole, Madrid aurait cédé aux menaces et chantages marocains en rapport avec l’émigration clandestine et d’autres sujets sensibles. Le revirement espagnol aurait mis fin à une grave crise diplomatique ayant opposé Madrid et Rabat durant près d’un an, marquée par l’arrivée mi-mai 2021 de plus de 10 000 migrants en 48h dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles par les autorités marocaines. Et ce, sur fond d’une crise entre les deux pays provoquée par l’accueil en Espagne en avril 2021 du chef du Polisario, Brahim Ghali, pour y être soigné de la Covid-19.
Des sanctions qui font mal
Nul doute que le courroux d’Alger, suite à ce revirement spectaculaire, a été un coup dur pour Madrid qui a vu ses exportations vers le marché algérien baisser de plus de 80 %. De plus, environ 130 000 entreprises espagnoles ont cessé d’avoir des accords commerciaux avec l’Algérie depuis l’année écoulée. A tel point que, début avril, une trentaine d’opérateurs économiques espagnols ont exigé du gouvernement Sanchez des indemnités à hauteur de leurs pertes, estimées à quelque 300 millions d’euros en un an.
En effet, selon les dernières données du ministère espagnol de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme, les exportations de Madrid vers l’Algérie entre juin 2022 et mars 2023 se sont élevées à 213 millions de dollars. Un montant modeste comparé à 1,6 milliard enregistré aux mêmes mois de l’année 2022. Au point que des entreprises espagnoles, à l’instar de la région de Valence, ont été obligées, l’année dernière, de chercher d’autres débouchés que l’Algérie pour leurs exportations, notamment en France et au Portugal.
De même, pour faire face à la situation catastrophique que traverse un grand nombre d’entreprises espagnoles, les autorités tentent de sauver ce qui reste des meubles. Ainsi la Compagnie espagnole d’assurance-crédit à l’exportation a mis à disposition une ligne spéciale de soutien aux entrepreneurs, dont le bilan a été négativement affecté par le conflit avec l’Algérie. Madrid aura même lancé un appel à l’aide à la Commission européenne pour aider ces entreprises en difficulté.
L’axe Alger-Rome
Mais, ne dit-on pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres? Rome, qui est en train de devenir le premier partenaire européen de l’Algérie, a sauté sur cette aubaine pour établir un axe stratégique. Avec ce pays maghrébin désormais incontournable sur la scène méditerranéenne et dont une partie de l’Europe dépend de la richesse de son sous-sol en hydrocarbures et gaz naturel. Et ce, depuis la fermeture du robinet russe.
C’est que l’Italie importatrice de gaz, ambitionne d’être aussi un pays de transit du gaz algérien vers les autres pays européens. Une sorte de « hub énergétique » entre l’Europe et l’Afrique. La nature a horreur du vide.