Les appels à la dédollarisation se multiplient. Les dernières sanctions américaines imposées à la Russie et le durcissement de la politique monétaire de la FED alimentent la défiance à l’égard du dollar.
Certains pays, voulant se libérer de la dominance américaine, ont décidé de favoriser leurs monnaies locales dans les échanges commerciaux. A l’heure actuelle, la Russie et l’Irak règlent leur commerce avec la Chine en yuan. Le Brésil et la Chine règlent leurs échanges en devises locales… En même temps, les réserves de change mondiales en dollar ont enregistré ces dernières années une baisse. Serait-ce un mouvement de dédollarisation des réserves de change des banques centrales ?
Deux éléments nous permettent de mieux comprendre pourquoi la part du dollar dans les réserves de change mondiales a baissé :
– Premièrement, l’intervention des banques centrales sur le marché de change. Avec la hausse des taux d’intérêt, les pays asiatiques sont intervenus à plusieurs reprises pour défendre leur monnaie, puisant ainsi dans leurs réserves. La Chine, parmi les plus grands détenteurs de réserves en dollar, a eu recours à ce type d’opération plusieurs fois depuis 2015, pour faire face à des sorties de capitaux et éviter une dépréciation de sa monnaie.
– Deuxièmement, les banques centrales rééquilibrent leurs portefeuilles en fonction des variations des taux d’intérêt. Les dernières hausses des taux de la FED ont entrainé la baisse du cours des obligations et la réduction de la valeur marchande du portefeuille obligataire en dollar détenu par les banques centrales, provoquant ainsi un ajustement à la baisse des réserves en dollar. Malgré la multiplication des appels à la dédollarisation, le dollar reste dominant dans les réserves mondiales (60%), dans le commerce international (50%) et dans les opérations sur les marchés de change (88,5%). Une alternative crédible au dollar n’est pas encore sur la table. Pour les pays du Golfe, il est inimaginable de se libérer de l’ancrage au billet vert tant que le pétrole demeure coté en dollar.
Faute d’une véritable alternative crédible au dollar, les défenseurs de la thèse de la dédollarisation devront encore attendre. Seule une réallocation du portefeuille des banques centrales défavorables au dollar et aux bons du Trésor américain, boostée par l’adhésion des autorités monétaires au CBDC (Central Bank Digital Currency), permettra d’observer l’érosion de la dominance du dollar.
Par Noura Harboub Labidi
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 871 du 7 au 21 juin 2023