Huit entrepreneures en phase de décollage sont montées sur le podium. Il a fallu toute la maîtrise, la sagesse et la subtilité du jury pour départager ces têtes couronnées parmi plus d’une centaine de postulantes.
Il y a huit ans presque jour pour jour, Sahar Mechri Kharrat, directrice exécutive du magazine “Le Manager“, qu’elle a rebaptisé “Managers“ pour briser les ressorts de la tyrannie masculine, organisait pour la première fois l’élection de Femmes Entrepreneures de Tunisie. Pari d’autant plus difficile qu’il s’inscrit dans une démarche disruptive. Elle s’est écartée des sentiers battus, des zones de confort frappées du seul sceau de la capitale. Elle était déterminée à casser les codes, loin des canons des consécrations habituelles. Elle voulait faire émerger des entrailles de la fracture régionale, par-delà la frontière intérieure de notre désert industriel, ces soldats de l’ombre dont on parle rarement – pour se faire bonne conscience – et auxquels on s’intéresse si peu, si ce n’est à titre de simple affichage.
Huit entrepreneures en phase de décollage sont montées sur le podium. Il a fallu toute la maîtrise, la sagesse et la subtilité du jury pour départager ces têtes couronnées parmi plus d’une centaine de postulantes. Et désigner la femme entrepreneure de Tunisie, qui a donné son nom à ce qui deviendra une véritable institution. Femmes Entrepreneures de Tunisie : c’est un cri du cœur qui retentit de partout. Sahar le voulait ainsi : l’affirmation d’une volonté, d’une ambition et d’un droit à l’entrepreneuriat féminin.
Parmi toutes celles qui ont concouru, et elles sont nombreuses, signe d’une véritable renaissance managériale, huit ont touché le Graal. Huit, plutôt qu’une seule, pour signifier que rien de ce qui se conçoit, se fabrique, ici et ailleurs, ne leur est inaccessible ou étranger. Elles sont sur tous les métiers, ceux d’aujourd’hui et de demain.
Elles viennent d’horizons divers, académiques, scientifiques et professionnels et de milieux différents. Signe distinctif : elles sont le plus souvent établies chez elles
Elles prennent pied dans la culture, l’artisanat, l’agribusiness, l’industrie, l’ingénierie, la tech et les services, ceux notamment liés à l’industrie, là où le ticket d’accès ne les écarte pas pour la vie.
Elles viennent d’horizons divers, académiques, scientifiques et professionnels et de milieux différents. Signe distinctif : elles sont le plus souvent établies chez elles, dans des régions longtemps vouées à l’oubli.
L’esprit conquérant, bravant le choc de culture, elles arrivent à faire bouger les lignes et à changer les choses. Pas besoin de discrimination positive, mais simplement faire valoir le principe républicain d’égalité des chances. Qui a un prix, un coût, que Sahar a assumé en répondant à l’appel des candidates, en allant à leur rencontre, en écumant le pays du nord au sud et d’est en ouest.
Boîte à outils et agitateur d’idées pour des entreprises en pleine expansion, au management abouti en perpétuelle évolution, «Managers» a aussi à cœur de promouvoir l’entrepreneuriat féminin et de l’aider à sortir de ses limbes, en se faisant, au besoin, le porte-voix des sans-voix. D’évidence, les femmes entrepreneures sont exposées à la double peine, celle que ressentent tous les nouveaux promoteurs, victimes des barrières bureaucratiques et du désintérêt, voire de l’indifférence des banques. Ces difficultés sont décuplées quand il s’agit de la gent féminine. C’est lui rendre justice que de la révéler au grand jour, reconnaître son talent, souscrire à son ambition et saluer son mérite. Et gratifier les plus entreprenantes, les plus audacieuses d’une récompense financière pour soutenir leur effort de développement.
Qu’auraient pu faire les promoteurs de ce projet militant sans l’adhésion et le concours financier d’entreprises citoyennes qui misent sur l’avenir ?
Le montant, en dépit de sa modicité – 7000 dinars -, leur permet d’aller de l’avant en leur ouvrant de nouvelles perspectives. Une goutte d’eau, nécessaire, dans l’océan des besoins, dans l’étendue de notre désert productif et de notre déficit en matière de création d’entreprises. C’est d’ailleurs la principale tare de l’économie nationale, qui ne parvient pas à se débarrasser de ce boulet. Il n’y a pas assez d’entreprises et il s’en crée très peu chaque année, sans commune mesure avec notre potentiel entrepreneurial. Les dénégations et le ton triomphaliste des autorités n’y changent pas grand-chose.
Qu’auraient pu faire les promoteurs de ce projet militant sans l’adhésion et le concours financier d’entreprises citoyennes qui misent sur l’avenir ?
Quoi de mieux que de vouloir verdir notre économie et densifier notre tissu industriel ? Les entreprises partenaires qui ont apporté leur concours financier et moral, convaincues qu’elles sont que la femme est l’avenir de l’homme, méritent un infini respect. Elles ont l’éthique chevillée au corps et sont conscientes de leur responsabilité sociétale, voire politique. Leur geste procède de leur volonté de réduire la fracture régionale et sociale, d’élargir le socle de la cohésion, de la solidarité et de la concorde nationale.
Sans leur engagement, les efforts de Sahar Mechri Kharrat et de son équipe auront été vains. C’est le meilleur investissement que ces entreprises engagées puissent faire pour ancrer dans le pays la culture entrepreneuriale. Que quelques jeunes pousses fleurissent et c’est l’ensemble du tissu productif qui prend des couleurs à la seule apparition de ces rares éclaircies !
Un grand merci à ces entreprises citoyennes. Merci à Sahar Mechri Kharrat, qui s’est pleinement investie dans cette mission, au prix d’énormes sacrifices. Merci à la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté ; elle a fait de celle d’entreprendre notre cause commune. Notre partenaire de toujours ne s’y trompe pas : pour elle comme pour nous, la liberté d’entreprendre est la mère de toutes les libertés.
Merci pour la disponibilité, le sens de la responsabilité et l’implication jusqu’à l’engagement plein et entier du jury, que préside Habib Karaouli, militant devant l’éternel de la cause de l’entrepreneuriat féminin qui promet autant qu’il promeut.