Ces jours-ci et dans un contexte de hausse des prix et de difficultés d’approvisionnement en farine, l’angoisse qu’on manque de pain se fait sentir.
Il faut dire que cela s’ajoute à une longue liste de produits alimentaires qui manquent sur le marché : riz ; café ; périodiquement le lait, et la liste est encore longue. Le match de ce mois s’est penché sur la question. Cette pénurie, devenue quelque part chronique, est-elle due au manque de production ?
Est-ce à cause du manque de financement ou, comme le préconise le pouvoir en place, un dysfonctionnement dans la chaîne de distribution ?
Pour en savoir plus, nous avons invité Anis Kharbeche, membre du bureau exécutif de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) et Aslan Berjeb, membre du bureau exécutif national de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect). Ensemble, ils nous donneront quelques éléments de réponses. Pour cela, ils feront le constat, expliqueront les causes et proposeront des solutions.
LE CONSTAT Au départ, la question est de savoir s’il y a vraiment pénurie en Tunisie. Une vraie pénurie ou simplement un effet de masse, comme le suggère la ministre du Commerce. On devine la réponse de nos deux intervenants, mais il fallait en avoir le cœur net. Aslan Berjeb (A.B.) : Le trident qui confirme la pénurie Est-ce qu’il y a pénurie ou non ? La question est importante. Pour y répondre, je poserais la question : c’est quoi une pénurie ?
D’abord, on parle de pénurie lorsqu’il y a rationnement, lorsque la distribution est limitée. Et cela, c’est un fait qu’on ne peut nier. Dans les supermarchés, dans les petits commerces, on constate très bien que les achats sont limités à deux paquets de …, à un kilo de …etc.
Deuxièmement: la pénurie se définit par l’augmentation des prix. Là aussi, on est conscient qu’il y a augmentation des prix des produits alimentaires en Tunisie. La demande dépasse largement l’offre.
Troisièmement : la disponibilité du produit. On a bien vu que la disponibilité était limitée pour certains produits de base. Donc, qu’il s’agisse d’augmentation des prix, de rationnement ou de diminution de la disponibilité, ce sont là des preuves qui confirment l’existence d’une pénurie alimentaire.
Si cette pénurie se prolonge, il y a risque qu’elle débouche sur des problèmes sociaux. Je pense qu’on n’en est pas encore là. C’est le brin d’espoir que nous avons en ce moment. Il faut arriver à entrevoir une solution, à imaginer ensemble une sortie de crise, surtout qu’il y a à l’horizon ces réformes structurelles sur lesquelles nous travaillons actuellement en vue de l’accord avec le FMI qu’on attend impatiemment.
Anis Kharbeche (A.K.) Un manque de production Il est évident qu’il y a une pénurie au niveau de certains produits alimentaires en Tunisie. Une pénurie qui s’explique, entre autres, par une baisse de production, notamment dans le secteur agricole. En tant que représentant de l’Utap et en tant qu’agriculteur, on le constate.
Cette baisse de production, on la voit dans le secteur laitier où il y a un manque de plus de 40% de nos besoins en lait et dérivés. Je confirme aussi qu’il y a pénurie de farine et de céréales en général. Nous ne produisons que 10% de nos besoins, même durant les bonnes saisons.
La production nationale de blé tendre utilisé pour fabriquer de la farine ne couvre que les besoins de trente jours sur l’ensemble de l’année, en cas de bonne récolte. Ce sont là quelques exemples, mais la baisse de production touche beaucoup d’autres produits. C’est un fait, il faut maintenant chercher les causes.
Extrait du match du mois qui est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n°871 du 7 au 21 juin 2023