En quelques semaines, Tunis est devenue le passage obligé de tous ceux qui veulent trouver une solution rapide et efficace à l’immigration illégale qui envahit les côtes européennes et particulièrement italiennes. Tous les chemins de cette nouvelle vague passent par la Tunisie (Sfax en particulier) et mènent toujours vers Rome.
Comme jadis dans l’histoire, sauf que les Romains (les Italiens) veulent stopper ces vagues successives d’immigration au-delà de leurs frontières. Ils ont raison et font tout pour faire partager le coût à leurs amis européens. 20 000 euros par tête renvoyée à son point de départ, si le pays européen lui refuse le refuge. L’accord vient d’être promulgué et validé par la Commission européenne et les Italiens se frottent déjà les mains. Bien sûr des procédures expéditives, souvent en contradiction avec les principes des droits de l’Homme et la liberté de circuler, ont été adoptées. Mais les droits de l’hommistes qui sont financés par cette même UE protesteront du bout des lèvres, sans plus. Sauf que tout dépendra en grande partie de Tunis.
Qu’est-ce qui fait courir Meloni?
C’est bien l’Italien Machiavel qui a dit que la fin justifie les moyens, principe devenu universel pour tous les politiciens du monde et encore plus pour les politiciens italiens. Pour ne citer que feu Berlusconi, paix à son âme, ou notre ami feu Bettino Craxi, tous les deux ex-présidents du conseil italien. L’un était centre droit et l’autre carrément socialiste. Notons au passage qu’ils étaient des grands amis de la Tunisie! Leur successeur, Giorgia Meloni, devenue non seulement une grande amie de la Tunisie, mais aussi une grande alliée de notre Président de la République, est devenue en quelques jours, la femme la plus populaire chez nous.
Jamais dans l’histoire récente et ancienne aussi, de notre pays, un homme ou femme politique n’a semblé avoir défendu autant les intérêts tunisiens qu’elle! Elle le crie sur tous les toits, multipliant les rencontres, avec les Emiratis, les Israéliens, les Français, les Allemands, le FMI pour qu’ils viennent au secours d’une Tunisie, selon elle, au bord de « l’effondrement ». Bien sûr elle exagère un peu. Mais n’est-ce pas une caractéristique italienne qui nous rappelle les sorties époustouflantes de Berlusconi ? Ou encore de Cicciolina, cette call girl italienne devenue députée du Parti Radical italien ? Lequel a donné Emma Bonino, présidente d’une importante commission de l’UE et qui a aidé énormément la Tunisie du temps de Ben Ali.
Giorgia, il faut dire, c’est un autre style, et qu’elle a du charme. Beaucoup de charme! Elle a même fait sourire notre Président de la République avec qui le courant passe très bien et c’est très important en politique. Tout pour convaincre Tunis de son programme! Empêcher « la déferlante migratoire », qui est tout simplement son programme politique pour lequel elle a été élue. Ses électeurs doivent constater qu’elle a réussi pour qu’elle se maintienne au pouvoir. Surtout qu’elle est en coalition avec un autre parti, celui de Berlusconi, dont est membre le ministre italien des Affaires étrangères. Avec la Tunisie, on est entre amis, même si l’idéologie de Kaïs Saïed, pan arabique, est à l’opposé de celle mussolinienne de Giorgia Meloni. Mais que comptent les idéologies devant l’intérêt supérieur des Etats?
Pour garantir la réussite de sa démarche, et après sa première visite, elle est revenue, avec dans ses valises la Présidente de la Commission européenne en personne et le premier ministre hollandais, lui aussi à droite de la droite et qui veut certainement se faire réélire grâce au dossier sur l’immigration.
Les résultats de ce sommet entre trois chefs d’Etat et la cheffe de l’Europe resteront historiques. Tout d’abord parce que un package financier de 900 millions d’euros sera offert à la Tunisie à long terme. Non pas sous forme de prêt mais de don. Du moins c’est ce qu’a laissé entendre la Présidente de la Commission européenne en plus de 150 millions d’euros qui seront déboursés rapidement. Mais ce n’est pas la somme elle-même seulement qui est importante quoi qu’elle permette à notre pays de sortir la tête de l’eau. Mais c’est la nature du partenariat en cinq axes qui nous semble stratégique. Au centre, deux piliers constituent la base de ce nouveau partenariat Tunisie-UE. L’Immigration et le partenariat énergétique.
Depuis les accords de 1995 entre la Tunisie et l’UE, qui avaient permis à la Tunisie de moderniser son appareil productif et notamment le textile et l’infrastructure, et de faire une moyenne de 5 % de croissance, c’est la première fois qu’un vent nouveau souffle sur nos rapports avec nos principaux partenaires. Giorgia Meloni n’en a été que le catalyseur et « l’immigration sauvage » une arme de dissuasion, que nous n’avons ni créée, ni souhaitée. Mais sans l’engagement de la Tunisie à joindre les efforts déployés par les Etats européens, rien ne se fera. Le rôle de notre diplomatie est justement de bien négocier les intérêts de la Tunisie. Le Président de la République lui-même n’en pense pas autrement, puisque sa visite « surprise » à Sfax, un jour avant l’arrivée des responsables européens, son discours à l’occasion et son attitude rassurante à l’égard des immigrés subsahariens, ont passé le message qu’il faut à nos partenaires et coupé l’herbe sous les pieds de ceux qui avaient jadis exploité les envolés lyriques de KS lui-même pour isoler la Tunisie.
La Tunisie garde-frontière?
Rien n’a filtré des accords sécuritaires entre la Tunisie et l’Italie et encore moins avec les autres pays européens. On parle cependant de patrouilles conjointes en mer. Mais sans savoir si cela va être dans les eaux territoriales tunisiennes ou pas. L’objectif a été déclaré dans le communiqué commun, publié par la Présidence de la République. Et il s’agit d’empêcher les immigrants illégaux de partir de la Tunisie et vers la Tunisie. Comment et avec quels moyens? On parle de 100 millions d’euros offerts à la Tunisie sur ce dossier, une bagatelle qui ne correspond à rien.
Nos côtes maritimes et nos frontières terrestres sont envahies quotidiennement par des milliers de Subsahariens. Ils sont souvent acheminés en camions par des trafiquants et même des bus flambants neufs et dont les voisins veulent se débarrasser. Une véritable mafia dont l’italienne organise les convois de la honte, sans qu’on puisse y faire grand-chose.
Quels que soient les accords conclus et sans parler de la question de souveraineté, la mission semble impossible pour la Tunisie si jamais elle succombe aux pressions. Ce n’est pas avec les gardes frontières ou même des armées puissantes et bien équipées qu’on arrête une vague migratoire, résultat d’un décalage de plus en plus grand, entre les pays riches du Nord et les pays pauvres du Sud. L’Occident, et l’Europe en particulier, connaissent cette vérité sociologique attestée par l’histoire. Les égoïsme nationaux et les politiques économiques prédatrices, qui ont pillé les pays africains et en les privant de leurs richesses, comme l’a d’ailleurs rappelé Giorgia Meloni au Président français Emanuel Macron, et surtout la politique de l’octroi des visas sont la cause de ce tsunami migratoire.
La petite Tunisie, devenue la seule digue qui protège l’Europe, risque de céder. Pas seulement pour des raisons financières, mais surtout pour des raisons politiques. Le pragmatisme légendaire des Italiens et le fait qu’ils soient en première ligne les poussent à arrêter de s’ingérer dans les affaires intérieures de notre pays. Surtout que l’Italie sous Berlusconi avait participé à la destruction de l’autre digue, la Libye de Kaddhafi. Berlusconi a avoué qu’il était poussé par Sarkozy cet autre destructeur des Nations pour anéantir la Libye, qui devint un Etat défaillant.
La Tunisie ne peut que protéger ses frontières en contrôlant son immigration, qui peut devenir bénéfique. Alors que la population devient vieillissante et que beaucoup de secteurs économiques, en cas de reprise sérieuse, n’ont pas le choix que de recourir à l’emploi des Subsahariens. Loin des slogans tapageurs, la question de l’immigration devient pour nous un enjeu majeur de politique intérieure. De même qu’une aubaine diplomatique qu’il faut bien gérer sans tomber dans la surenchère et en respectant le droit international. Il faut que cela devienne un sujet de débat national, loin des manipulations politiques et idéologiques. Sinon, nous y serons forcés et très bientôt!