Organisation de l’Unité africaine (OUA), Etats-Unis d’Afrique, Union africaine. Voilà des expressions qui sonnent faussement « bien ». Oui, « faussement bien » parce que ne reflétant pas ou peu la réalité.
Aujourd’hui ou plutôt depuis quelques années, une autre expression, empruntée à l’Europe, est venue s’ajouter à cette jungle qui n’a pas d’égal, à savoir « monnaie unique ».
L’ »Union africaine » et la « monnaie unique », l’ancien dirigeant libyen, Mouammar Khadafi, en avait rêvé. Il n’aura réussi à réaliser que la première qui remplaça alors l’Organisation de l’Unité africaine. Mais avec une différence, dirons-nous, de taille.
En effet, l’OUA était une organisation purement politique, alors que l’UA fait de l’intégration économique la principale condition à l’unité politique du continent.
Donc, l’objectif affiché est bon et défendable, en tout cas si l’on regarde le cheminement de l’Europe à la seule différence que celle-ci a commencé par l’inverse, c’est-à-dire l’économique d’abord.
Utilité des groupements régionaux
Pour faire avancer le processus d’intégration africaine, l’idée a été de créer des blocs économico-politiques régionaux : UMA (Union du Maghreb arabe) pour l’Afrique du Nord, Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) pour l’Afrique occidentale, Comesa (Marché commun de l’Afrique de l’Est et australe) pour l’Afrique de l’Est et du Sud du continent, ou bien la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale).
Concernant la monnaie unique, c’est une autre paire de manches, sa mise en place se heurtant à des réticences souvent d’ordre idéologique et politique. Donc un manque de volonté politique.
Même si on entend ici et là des appels à la création d’une monnaie unique, il suffit de voir la réalité en face pour savoir que ce n’est tout simplement pas possible pour le moment. Il faudrait qu’il y ait, au sein de chaque groupement économico-politique régional, une monnaie commune. On aurait ainsi 4-5 monnaies communes composant l’Union africaine. Ce qui, à notre sens, pourrait faciliter un éventuel processus de mise en place d’une monnaie commune africaine.
Monnaie unique africaine ?
Par conséquent, le plaidoyer du président du Kenya, William Ruto, pour une « monnaie unique africaine », à l’occasion du 22e sommet du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), tenu dernièrement à Lusaka en Zambie, est un voeu pieux. Toutefois, il a raison de dire que l’ »Afrique a besoin d’une monnaie unique », parce que cela pourrait résoudre les difficultés qu’éprouvent les pays africains à échanger entre eux. Sauf que sa mise en place est actuellement impossible.
Et cette difficulté n’est pas propre à l’Afrique, car le seul regroupement économique régional qui existe aujourd’hui dans le monde et ayant une monnaie commune, c’est l’Union européenne (20 pays sur 27). Pourtant, il y a la CEI (Communauté des Etats indépendants qui regroupe certains pays de l’ancienne URSS), la Nafta (regroupant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada), l’Asean (qui regroupe plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, dont la Chine).
Une monnaie commune pour les BRICS
On entend par ailleurs des appels des pays du BRICS pour la création d’une monnaie commune dans l’objectif de ne plus dépendre du dollar dans leurs échanges commerciaux. L’idée ne manque pas de pertinence et de bon sens, sauf qu’elle se heurtera, in fine, à la dure réalité – politique et économique.
En effet, la Russie va-t-elle accepter d’enterrer son rouble au profit d’une autre monnaie, fût-elle commune ? Quelle position adopteront la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Brésil ? Mais encore, comment faire pour que cette future monnaie commune puisse s’imposer dans les échanges commerciaux entre ce regroupement et les autres ?
L’exemple de la monnaie unique européenne dans les échanges commerciaux et les investissements devrait inspirer ceux qui crient à la création d’une monnaie commune. Avec cette question : combien pèse l’euro dans la balance des échanges commerciaux mondiaux et les investissements, et combien y pèse le dollar américain ?
On nous répondra qu’il faut donner du temps au temps. Sans doute, mais avons-nous une emprise sur le temps ?
Autrement dit, soyons réalistes !