Au lieu de s’engager dans un combat contre les moulins à vent au nom de la guerre sainte contre le cartel bancaire, le présent l’article tente de saisir cette épineuse question sous un angle différent visant le déverrouillage de l’économie de rente en secteur public via une série de recommandations-mesures*.
Dans ce cadre précis, il s’avère utopique de cibler tous les secteurs d’activité. Ce qui nous amène à choisir des activités économiques clés – auxquelles le système rentier est profondément ancré – susceptibles d’agir vertueusement moyennant un changement de paradigme dans le processus de redressement de la donne budgétaire et macro-économique critique du pays.
A cet effet, nous avons opté pour un nombre réduit d’opérateurs économiques publics impactants, en l’occurrence la CPG, la STAM, Tunisair, d’où la culture rentière ne date pas d’aujourd’hui, montée de toutes pièces par une oligarchie politico-syndicale boulimique bien structurée.
1 / Le cas de la CPG : quand le bassin minier va mal, rien ne va !
Aujourd’hui, nul ne peut contester l’effet domino dévastateur du secteur de phosphates sur les caisses de l’Etat, mais aussi sur le PIB, le secteur agricole et les structures de transport satellitaires (SNCFT / Port de Skhira).
De même, les facteurs explicatifs d’une telle situation dramatique sont connus de tous (un corporatisme + un tribalisme à outrance) et ne serviront à rien s’ils ne sont pas assortis d’une batterie de mesures spécifiques doublement audacieuse et innovante !
Par analogie, la CPG, la STAM et Tunisair sont atteints depuis une belle lurette d’une insuffisance respiratoire aiguë et chronique
Par analogie, la CPG, la STAM et Tunisair sont atteints depuis une belle lurette d’une insuffisance respiratoire aiguë et chronique qui exige de passer, en urgence, à un traitement par oxygénothérapie !
Les concentrateurs d’oxygène possibles
a – En urgence :
- Déclarer le bassin minier en tant que zone militaire, et ce en application du décret présidentiel n° 2017-90 du 3 juillet 2017. Il s’agit strictement d’une sécurisation des lieux de travail et non d’une militarisation du processus de production.
b- A court terme :
- Procéder à l’intégration au cas par cas des « Sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage » au sein de « l’Office de développement du sud » (ODS), moyennant une extension de ses attributions prévues dans la loi de 18 juillet 1994.
- Doter l’Office de développement du sud (ODS) des ressources financières suffisantes issues directement des contributions à titre de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) des différentes compagnies pétrolières et minières de la région du sud.
c- A moyen terme :
- Repenser le modèle de développement de la région de Gafsa par voie de promotion des mégaprojets alternatifs à vocation agricole et environnementale (énergie solaire).
- L’ouverture d’une fraction du capital social de la CPG à un partenaire stratégique sous réserve que l’Etat garde le statut d’actionnaire majoritaire.
2 / Le cas de la STAM : quand le statu quo persiste, la prise d’otage de l’économie continue
Certes, il n’est plus un secret de polichinelle que la STAM incarne parfaitement le système rentier dans le secteur public.
En occasionnant des pertes colossales en termes de staries/surestaries et un manque à gagner de l’ordre d’un milliard de dinars par an – statistique de 2020 -, cette entreprise ne cesse de prendre en otage toute l’économie nationale. Chose est sûre, que cette situation ne peut plus durer indéfiniment !
La STAM ne cesse de prendre en otage toute l’économie nationale. Chose est sûre, que cette situation ne peut plus durer indéfiniment
Les concentrateurs d’oxygène possibles
a – En urgence :
- Procéder à l’intégration de la STAM dans le processus de Partenariat Public Privé (PPP) portant, en première phase, sur la conception, la réalisation d’ouvrages, la fourniture d’équipements et la maintenance (PPP á caractère partiel) conformément à la loi 49-2015 relative aux contrats de Partenariat Public Privé telle que modifiée par la loi n°2019-47 du 29 mai 2019 relative à l’amélioration du climat des affaires.
Il est à noter que les capacités de « l’Instance générale de Partenariat Public Privé » (IGPPP) ont été renforcées récemment par la mise en service du « Fonds d’appui aux partenariats ».
b- A court terme :
- Dès que les travaux de construction des nouveaux quais arrivent à terme, l’autorité de tutelle est appelée à agir par voie de concession d’outillage et d’équipements portuaires des quais 8 et 9 du port de Radès à des opérateurs privés en vertu de l’article 2 de la loi 2008 relative aux concessions et les dispositions particulières du code des ports maritimes tunisien.
c- A moyen terme :
- A l’instar de ce qui se passe au monde, il est temps de revoir le modèle d’exploitation et de gestion de nos ports de commerce via la mise en place progressive « d’un réseau de ports autonomes ».
3 / Le cas de Tunisair : quant le ciel s’ouvrira, Tunisair décollera
Au-delà du déficit chronique de Tunisair et ses impacts néfastes sur les équilibres budgétaires de l’Etat, la centrale syndicale et les représentants syndicaux de cette compagnie s’obstinent sciemment à hypothéquer l’avenir du secteur touristique en s’opposant au processus de ratification de l’accord d’Open Sky avec l’UE entrepris depuis 2008 et paraphé en 2017 par le gouvernement tunisien.
Selon l’UE, « l’ouverture du ciel tunisien générerait 2,7 points de croissance du PIB du tourisme et 800 000 passagers de plus sur cinq ans ».
la centrale syndicale de Tunisair s’obstine sciemment à hypothéquer l’avenir du secteur touristique en s’opposant au processus de ratification de l’accord d’Open Sky avec l’UE
Ceci dit, toute tentative de restructuration de « Tunisair » sans accord définitif d’Open Sky avec l’UE est une opération vouée stratégiquement à l’échec.
Les concentrateurs d’oxygène possibles
a- En urgence :
- Activation de la cadence d’exécution du plan de restructuration surtout en termes d’assainissement,
- Procéder à la ratification de l’accord d’Open Sky dans les plus brefs délais avant qu’il soit trop tard.
b- A court terme :
- L’ouverture d’une fraction du capital social de Tunisair à un partenaire stratégique pourvu que l’Etat garde son statut d’actionnaire majoritaire.
c- A moyen terme :
- Se préparer à l’ère des « alliances des compagnies aériennes » permettant à Tunisair de défendre sa part de marché, d’améliorer l’efficacité de ses opérations (partage des infrastructures, etc.) et surtout de restaurer son image en présentant ses services sous une marque unique et prestigieuse de l’alliance, etc.
Nb :
* Nos suggestions de déverrouillage du système de rente reposent sur des textes juridiques en vigueur évoluant dans un contexte politique favorable à les mettre en œuvre.
Mahjoub Lotfi BELHEDI
Spécialiste en réflexion stratégique