Le ministère tunisien de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a récemment organisé à Tunis un atelier intitulé «Les stratégies de gestion des ressources en eau à long terme en Afrique résilientes aux changement climatiques – cas de la Tunisie».
Soutenu par la Banque africaine de développement et d’autres partenaires, comme l’agence et la banque publique allemandes pour la coopération internationale KFW et GIZ, l’atelier entrait dans le cadre de l’élaboration de la vision et de la stratégie du secteur de l’eau en Tunisie à l’horizon 2050.
Au programme de l’atelier : présenter et faire comprendre la vision et la stratégie du secteur de l’eau à l’horizon 2050 en Tunisie ; exposer deux axes stratégiques qui sous-tendent la politique du pays dans le secteur de l’eau que sont le Plan national d’adaptation (PNA) et la Stratégie de réutilisation des eaux usées traitées à l’horizon 2050 (REUSE 2050). La Tunisie, qui enregistre 400 m3 d’eau environ par habitant et par an en moyenne, se trouve sous le seuil du stress hydrique, fixé à 500 m3 par habitant et par an, selon l’Institut des ressources mondiales (en anglais World Resources Institute, WRI par sigle).
À la demande du gouvernement tunisien, soucieux d’éviter un scénario catastrophique – « jour zéro » – jour où toutes les réserves en eau potable seront à sec – qui mettrait à mal sa sécurité hydrique et alimentaire, la Banque africaine de développement a mobilisé un don de 1,34 million d’euros via sa Facilité africaine de l’eau et auprès de la KFW et la GIZ (pour 1,31 million d’euros) pour financer une étude intitulée « EAU 2050 ». Ce qui a permis au gouvernement tunisien de développer sa vision et sa stratégie pour le secteur de l’eau à l’horizon 2050.
La stratégie « Eau 2050 en Tunisie » entend contribuer au développement socioéconomique du pays, en sécurisant l’accès aux ressources en eau à l’horizon 2050, de manière efficiente et inclusive, équitable et durable, selon une approche de gestion intégrée des ressources en eau. Un plan d’action d’un coût de 23 milliards d’euros environ a été conçu pour la mettre en œuvre.
Dix pays
Des experts et professionnels venus d’une douzaine de pays d’Afrique (Algérie, Afrique du Sud, Égypte, Kenya, Libye, Maroc, Mauritanie, Namibie, Niger, RD Congo, Sénégal et Togo) ont participé à l’atelier.
Au-delà de la Tunisie, les pays participants ont partagé leurs expériences en matière de gestion durable des eaux, outre des projets de développement durable. L’Égypte a, par exemple, évoqué la question des bassins transfrontaliers et l’importance de la coordination entre les pays pour concevoir des projets d’ampleur comme construire de grands barrages sur le Nil. La Mauritanie, pays sahélien d’Afrique de l’Ouest, a présenté son programme « Taahoudaty » destiné à améliorer l’accès à l’eau.
Le Kenya a exposé le contexte d’aridité prononcée que traverse le pays, similaire à celui de la Tunisie, qui accentue sa dépendance aux ressources en eaux souterraines déjà limitées, et a présenté ses actions pour y faire face.
Dessalement
L’Algérie et la Libye, occupées en grande partie par le Sahara, ont souligné, pour la première, l’importance du dessalement dans son choix stratégique de politique d’approvisionnement en eau potable ; et le transfert d’eau, pour la deuxième, qui est au cœur de son schéma d’approvisionnement en eau.
Quant au Sénégal, un tableau a été dressé des différentes stratégies, achevées et en cours pour améliorer l’accès à l’eau dans une approche de gestion intégrée des ressources en eau. Le ministre mauritanien de l’Eau et de l’Assainissement, Sidi Mohamed Ouled Taleb Amar, a félicité la Tunisie pour la vision et la stratégie dont elle s’est dotée pour le secteur de l’eau à l’horizon 2050.
Il y a trouvé une similitude de contenu et de calendrier avec la stratégie mauritanienne d’accès durable à l’eau et à l’assainissement à l’horizon 2030, adoptée en février 2023. Les représentants de la Banque, de la KFW et de la GIZ ont salué l’expérience tunisienne dans le domaine de l’eau, réitérant leur volonté de continuer à soutenir le pays, qu’il s’agisse de coopération technique, de soutien financier ou d’échange d’expertise et d’expérience.
« L’atelier régional [était] l’occasion de présenter l’approche adoptée pour élaborer la stratégie à long terme de la Tunisie dans le cadre du projet « Eau 2050 », […] de stimuler un échange constructif et fructueux entre les différents pays africains confrontés au défi de la sécurisation des ressources en eau » pour leurs populations et leur économie, a souligné Abdourahmane Diaw. Ex responsable de division au sein du bureau régional de la Banque pour l’Afrique du Nord, il est aujourd’hui représentant pays de la Banque en Égypte.
Les bailleurs de fonds
La Banque figure parmi les principaux bailleurs de fonds du secteur de l’eau et de l’assainissement en Tunisie. Entre autres programmes phares qu’elle a eus à financer depuis 2010, celui pour l’approvisionnement en eau potable en milieu rural a mobilisé 218,5 millions d’euros. 75 millions d’euros ont également été engagés dans le Programme d’assainissement des petites communes (un cofinancement avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement) et 32,5 millions d’euros dans le Projet d’amélioration de la qualité des eaux épurées. Au vu de son succès, ce Projet devrait se poursuivre dans une phase 2, pour un budget d’environ 70 millions d’euros dont l’approbation est escomptée avant la fin 2023.
« Mon pays souhaite continuer à travailler avec le gouvernement tunisien et son ministère de l’Agriculture pour trouver des moyens de partager des idées sur des projets clés bénéfiques pour le grand public », a déclaré le représentant kényan présent à l’atelier, Samwel Kamau. Dernier temps fort de cet atelier de partage d’expériences et de vues entre pays africains confrontés aux terribles pressions qu’exercent les changements climatiques sur les ressources en eau : une visite du système de transfert des eaux du nord de la Tunisie qui dessert les régions du grand Tunis, du Cap bon, du Sud et de Sfax.
SOURCE: Banque africaine de développement (BAD)